C?est inouï ce qu?un simple geste technique ? certes pur, élégant et beau comme celui réalisé par Hocine Achiou ? peut déclencher, voire libérer des réactions en chaîne où tout se mêle et s?entremêle : le sourire radieux aux larmes de bonheur et les cris de joie aux ardentes prières qui montent très haut vers le ciel. Certes, Hocine Achiou s?est magistralement joué de trois défenseurs égyptiens pour aller planter la banderille meurtrière qui a terrassé, avant de les laisser pantois, de grands Pharaons. Hocine l?a fait au moment où les Verts, n?étaient-ce leur courage, leur bravoure et l?amour du drapeau, risquaient, à tout instant, de fléchir sous les coups de boutoir et les rushs du virtuose et virevoltant Mido et de ses coéquipiers. Il l?a fait, inspiré, guidé dans sa chevauchée fantastique par ce fulgurant trait de génie, ce trait qu?on peut attribuer au «miracle à l?algérienne». Et alors tout bascula, tout chavira dans l?euphorie et la félicité. De la poitrine ? trop longtemps comprimée ? de tout un peuple fusa l?ovation, l?immense et interminable ovation pour saluer l?exploit, pour remercier les héros de Sousse. Hocine Achiou pouvait-il, un seul instant, imaginer qu?en catapultant le cuir dans les buts adverses, il allait enflammer toute l?Algérie, la faire rêver, lui réchauffer le c?ur, lui donner des couleurs, elle qui n?espère plus, elle qui a toujours très froid, elle qui est constamment blême, elle qui ploie, chaque jour un peu plus, sous le poids d?un quotidien et d?un destin faits de vicissitudes, de misère, de privations. Oui l?Algérie a chanté et dansé toute la nuit de jeudi. Et bien après. Pour un match. Pour une victoire qui en appelle d?autres certainement puisque sont grandes ouvertes les portes du second tour de cette CAN 2004. Mais ce n?est pas seulement pour cela que l?Algérie a jubilé des heures durant. Si elle s?est accrochée avec exultation à la prouesse de ses sportifs, si elle a versé dans l?exubérance, c?est parce que, à partir de Sousse, s?est déchiré le voile de la grisaille et de la tristesse qui, comme un masque, lui colle à la peau. L?Algérie a voulu oublier tous les coups du sort qu?elle ne cesse d?encaisser sur tous les plans et de toutes parts. Voilà pourquoi la nuit de jeudi a été celle de l?allégresse, de la communion. Et lorsque des poitrines rageuses lançaient sans cesse : «One, two, three, viva l?Algérie», c?est un profond espoir qui est exprimé ! Celui de voir l?Algérie ? pas seulement celle du football en particulier ou du sport en général ? mais aussi celle de la modernité, du bien-être, du progrès naître enfin et vivre pour devenir éternelle au bénéfice de tout son peuple. Mais là, c?est une autre affaire. L?affaire des décideurs, des politiques et de tous ceux qui ont entre les mains les destinées du pays. Qu?ils se décident enfin à sauver cette Algérie malade de mille maux, avant de s?empresser de récupérer l?événement de Sousse. Le petit Hocine leur a montré la voie.