Limite n Les restaurants du cœur offrent des repas à la limite du budget qui leur a été alloué. Que faire ? Un groupe de jeunes, voyant leur espoir de manger à temps s'envoler devant l'impossibilité d'accéder à ce restaurant réputé pour «ses bons repas», a décidé de rebrousser chemin. «On a encore un peu de temps pour en trouver un autre mieux que celui-ci», fait remarquer Ahmed, ouvrier dans une entreprise de construction, en regardant sa montre. Il est dix-neuf heures et dans trente minutes, c'est la rupture de jeûne. «Je vous suggère d'aller à la rue de Mulhouse, le croissant-rouge a ouvert son local là-bas», propose son compagnon Rabah qui travaille dans une boîte informatique privée. «Nous irons de préférence au Champ-de-Manœuvre (Place du 1er-mai à Alger). Il y a un restaurant dans un coin reculé et où nous ne trouverons ni queue ni bagarres, mais aussi des repas et des conditions d'hygiène acceptables. Si je vous dis cela, c'est que, avant-hier, avec des amis, nous avons été surpris par une bagarre dans un local du Croissant-rouge que vous proposez», conseille, pour sa part, leur ami Saïd. La proposition de ce dernier semble intéressante. Les quatre jeunes se rendent donc à la place du 1er-Mai. La rue Hassiba-Ben-bouali est quasiment déserte. Seules quelques voitures y filent à vive allure et peu de personnes «tuent» les dernières minutes avant l'adhan. Au foyer des travailleurs de la Sntf-Ugta, sis dans la même rue, et transformé en un restaurant du cœur, des dizaines de personnes attendent désespérément l'ouverture de la porte d'entrée. Mais selon un riverain, les responsables du restaurant le ferment une fois tous les tickets d'entrée – au nombre de 300 – distribués. Ces personnes, finalement, attendent pour rien. Il est presque 19h 20. Les quatre amis pressent le pas et le risque de rater le f'tour gratos n'est pas à exclure. Au bout de quelques minutes, ils gagnent l'endroit indiqué. Leur ami ne s'est pas trompé d'adresse. Ce restaurant du cœur, aménagé en plein air juste à proximité du marché Ali-Mellah qui leur a été conseillé, est bien propre, les repas servis dans des plateaux sont copieux et l'organisation ne manque pas. «Toute une équipe qui leur souhaite la bienvenue, veille au bon fonctionnement de cet endroit», leur déclare un membre de l'association qui a eu l'idée d'un restaurant du cœur à l'occasion du ramadan et dont les repas sont conjointement financés par des entreprises algériennes et turques. Etrangement, les gens ne se bousculent pas aux portes de ce restaurant. Une situation que les habitués de cet endroit «extraordinaire» n'arrivent pas à expliquer que par le fait que «personne ne se doute qu'ici il y a un restaurant de la rahma». Il a fallu deux minutes pour que ces quatre jeunes servent leur repas ! Un autre organisateur les invite à prendre place tout en complétant les tables. «Il faut que tout le monde soit assis pour bien manger», leur explique-t-il. Un instant après, l'appel à la prière du maghreb retentit et le fameux «saha f'torkoum» fuse de partout. C'est la rupture de jeûne.