Résumé de la 10e partie n Sur le chemin du retour, Gerda épuisée se repose. Près d'elle une corneille sautille. La fillette lui demande si elle n'a pas vu Kay ; la corneille semble réfléchir... Vraiment ! tu le crois ? cria la petite fille. Elle aurait presque tué la corneille tant elle l'embrassait. — Doucement, doucement, fit la corneille. Je crois que ce pourrait bien être Kay, mais il t'a sans doute oubliée pour la princesse. — Est-ce qu'il habite chez une princesse ? demanda Gerda. — Oui, écoute, mais je m'exprime si mal dans ta langue. Si tu comprenais le parler des corneilles, ce me serait plus facile. — Non, ça je ne l'ai pas appris, dit Gerda, mais grand-mère le savait, elle savait tout. Si seulement je l'avais appris ! — Ça ne fait rien, je raconterai comme je pourrai, très mal sûrement. Et elle se mit à raconter. Dans ce royaume où nous sommes, habite une princesse d'une intelligence extraordinaire. L'autre jour qu'elle était assise sur le trône - ce n'est pas si amusant d'après ce qu'on dit - elle se mit à fredonner «Pourquoi ne pas me marier ?» — Tiens, ça me donne une idée ! s'écria-t-elle. Et elle eut envie de se marier, mais elle voulait un mari capable de répondre avec esprit quand on lui parlait de toutes choses. — Chaque mot que je dis est la pure vérité, interrompit la corneille. J'ai une fiancée qui est apprivoisée et se promène librement dans le château, c'est elle qui m'a tout raconté. Sa fiancée était naturellement aussi une corneille, car une corneille mâle cherche toujours une fiancée de son espèce. Tout de suite les journaux parurent avec une bordure de cœurs et l'initiale de la princesse. On y lisait que tout jeune homme de bonne apparence pouvait monter au château et parler à la princesse, et celui qui parlerait de façon que l'on comprenne tout de suite qu'il était bien à sa place dans un château, que celui enfin qui parlerait le mieux, la princesse le prendrait pour époux. — Oui ! oui ! tu peux me croire, c'est aussi vrai que me voilà, dit la corneille, les gens accouraient... Quelle foule! Quelle presse! Mais sans succès le premier comme le second jour. Ils parlaient tous très facilement dans la rue, mais quand ils avaient dépassé les grilles du palais, vu les gardes en uniforme brodé d'argent, les laquais en livrée d'or sur les escaliers et les grands salons illuminés, ils étaient tout déconcertés, ils se tenaient devant le trône où la princesse était assise et ne savaient que dire sinon répéter le dernier mot qu'elle avait prononcé, et ça elle ne se souciait nullement de l'entendre répéter. On aurait dit que tous ces prétendants étaient tombés en léthargie - jusqu'à ce qu'ils se retrouvent dehors, dans la rue, alors ils retrouvaient la parole. Il y avait queue depuis les portes de la ville jusqu'au château, affirma la corneille. Quand ils arrivaient au château, on ne leur offrait même pas un verre d'eau. Les plus avisés avaient bien apporté des tartines mais ils ne partageaient pas avec leurs voisins, ils pensaient : «S'il a l'air affamé, la princesse ne le prendra pas. » (à suivre...)