Nous devions, coûte que coûte, éviter d'être découverts par les pilotes des avions espions, les chasseurs T-6, ou encore de tomber dans le champ de vision des jumelles avec lesquelles les officiers fouillaient sans relâche le paysage durant tout le trajet du convoi. À l'issue d'une longue et harassante marche, nous avons pu atteindre enfin, soufflant et suant à grosses gouttes, les abords de la route. Il était environ midi. Notre commando comprenait trente-cinq (35) moudjahidine répartis en trois (3) groupes de onze (11) éléments combattants chacun. Si Zoubir, après avoir pris, comme toujours, l'avis de Si Moussa, plaça deux groupes, chacun disposé sur l'un des deux côtés de la route, sans pour autant les placer l'un vis-à-vis de l'autre et ce, bien sûr, pour éviter que, dans le feu de l'action, ils ne se tirent dessus mutuellement. Chaque groupe disposait d'un fusil-mitrailleur FM Bar. Quant au troisième groupe, il fut placé à quelque trois cents mètres plus loin sur le promontoire rocheux d'une crête qui faisait face à la route. Le groupe était dirigé par Si Ahmed Kellassi, l'adjoint de Si Moussa et disposait de la mitrailleuse calibre 30 du commando, une arme précieuse et redoutable. Pourquoi donc Si Zoubir avait-il placé le groupe de Si Ahmed avec la mitrailleuse 30 loin de l'endroit où les deux groupes s'étaient embusqués ? Pour la bien simple raison que ce maître guérillero, qui n'était pas né de la dernière pluie, redoutant l'intervention de l'aviation ennemie, savait parfaitement que, dans le cas d'une unité légère comme la nôtre, une embuscade ne se faisait pas avec une mitrailleuse lourde. La plus profitable position pouvant être assignée à ce genre d'arme, en l'occurrence, était un point de crête, une surélévation de terrain permettant aux servants de cet engin meurtrier de tenir en échec les appareils de l'aviation ennemie, ce qui permettrait ainsi à nos combattants d'opérer leur repli dans les meilleures conditions. Vingt-cinq moudjahidine pour tendre une embuscade à un convoi de cinq camions dont une jeep, c'était largement suffisant. La route traversait en serpentant les petites collines environnantes. Nous nous trouvions placés à environ un mètre l'un de l'autre. Les tireurs, avec leurs fusils-mitrailleurs FM Bar, se trouvaient insérés au milieu de chaque groupe. Si Zoubir avait, en effet, estimé qu'il nous fallait faire, en sorte, que le convoi soit intégralement pris en sandwich au cœur de notre dispositif d'embuscade, et pour cela, nous devions agir de façon telle que les tirs de nos armes puissent couvrir et arroser, par un feu nourri bien synchronisé, la totalité de l'espace occupé par la procession des véhicules. Ainsi, en additionnant la longueur des camions et de la jeep avec l'espace laissé entre les véhicules, on pouvait, sans grand risque d'erreur, supputer que la longueur totale du convoi était de 30 à 40 mètres, surtout si l'on prend en considération le fait que la route était tout en virages et en lacets. Nous occupions une position surélevée d'environ un mètre par rapport à la route, à l'endroit où cette dernière, large d'à-peine trois à quatre mètres, s'étalait comme un couloir en ligne droite. (à suivre...)