Ainsi, aussitôt que l'ennemi fut repéré sur la route, nos chefs, Si Zoubir (Tayeb Souleimane), de Soumâa,et son adjoint Si Moussa Kellouaz, de Aïn-Defla, s'empressèrent de nous ordonner de quitter en toute hâte le douar et d'aller nous installer dans la forêt, le temps de voir quelle direction allait emprunter le convoi militaire. Comme l'obscurité nocturne n'était pas complètement dissipée, nous pouvions distinguer de temps en temps les faisceaux lumineux des phares des véhicules allant vers Hamam-Righa. Nous avions continué de suivre les mouvements du convoi, jusqu'au moment où quittant brusquement la route nationale, il vira à droite et s'engagea dans une piste qui traversait la région pour aller jusqu'à Marceau (Menacer) et Cherchell. Le convoi se dirigeait vers un secteur afin d'y opérer un ratissage. Si Moussa et Si Zoubir avaient donc pris la décision de lui tendre une embuscade à son retour. L'ennemi qui disposait de renseignements sur notre présence dans les parages, n'était cependant pas parvenu à localiser nos positions exactes, et ce, en dépit de tous les efforts qu'il avait déployés dans ce sens. Le fait était tout simplement que nous nous déplacions toujours trop rapidement pour qu'il pût être en mesure de suivre nos mouvements et ensuite agir efficacement contre nous ! Vers 9 heures du matin, nous vîmes passer de loin le convoi, qui se composait de cinq camions GMC et d'une jeep Sans attendre l'après-midi, Si Zoubir avait subitement décidé de devancer l'horaire initialement fixé, et c'est ainsi qu'à dix heures du matin nous avons reçu l'ordre de départ pour aller nous embusquer sur la route et attendre le retour du convoi. Nous devions marcher plus de deux heures à pas forcés avant d'atteindre l'endroit choisi par Si Zoubir et Si Moussa pour y tendre l'embuscade. À cette heure très claire de la journée, il nous fallait avancer avec beaucoup de prudence et d'attention pour éviter de nous faire repérer par les avions de l'ennemi qui survolaient continuellement la région. D'ailleurs, un avion mouchard Piper-cub ouvrait la marche du convoi, le devançant de 300 à 500 mètres. Le pilote descendait très bas, presque en rase-mottes, scrutant méticuleusement tous les abords de la route ainsi que tout l'espace alentour, cherchant à y déceler quelque présence suspecte ou anormale pouvant constituer un risque d'embuscade. Le pilote tirait des grenades sur tous les endroits dont l'aspect lui semblait louche. Il virait sur ses ailes, faisait des tours complets, remontait dans le ciel, replongeait en piqué, s'éloignait dans la campagne environnante, puis reprenait sa position initiale au-dessus du convoi. Si Zoubir nous ordonna d'accélérer le pas pour pouvoir arriver à temps à l'endroit choisi pour l'embuscade. Comme nous étions souvent contraints d'évoluer en terrain totalement découvert et dénué de tout couvert forestier, parfois sur de très longues distances, nous devions donc nous astreindre à ramper sur plusieurs mètres et profiter de tous les replis du sol, arrivant tant bien que mal de la sorte à nous assurer un hypothétique et très aléatoire camouflage. (à suivre...)