La nouvelle tournait en boucle, hier, dans toutes les salles de rédaction du monde : le Président du Nigeria venait de prendre la décision de suspendre la sélection de son pays pour une durée de deux années, lui interdisant ainsi de disputer toute compétition internationale. Goodluck Jonathan a eu recours à cette décision radicale suite à l'élimination, dès le premier tour, des Super Eagles de la coupe du Monde-2010 en Afrique du Sud au cours de laquelle la sélection nationale a récolté deux défaites (0 à 1, face à l'Argentine et 1 à 2, contre la Grèce, et un match nul 2 à 2 face à la Corée du Sud). En prenant une telle mesure, pour le moins surprenante, le Président Goodluck Eagles incite la Fédération de football d'entamer un vaste chantier de reconstruction durant les deux prochaines saisons, privant en même temps l'équipe nationale de la prochaine CAN-2012, au moment où la FIFA a sévèrement critiqué le gouvernement français et l'ingérence des hommes politiques dans les affaires du football de la Fédération française de football. Les «bonnes intentions» du Président nigérian, dont celles de réorganiser le football et d'engager un audit pour faire toute la lumière sur l'utilisation des fonds alloués à la sélection nationale, ne devraient pas échapper aux foudres de l'instance internationale qui ne sauraient tarder à tomber si cette décision prenait une forme officielle. Pour l'instant, le porte-parole de la FIFA s'est contenté de dire que «l'instance n'a pas eu d'information officielle de la Fédération nigériane à ce sujet en particulier, mais de manière générale, la politique de la FIFA en matière d'interférence politique est bien connue». En réponse, le gouverneur de l'Etat de Rivers, Rotimi Amaechi, qui dirige un groupe de travail mis en place par la présidence, a souligné que cette dernière va notifier sa décision à la FIFA pour lui faire part des problèmes soulevés et du plan de sauvetage du football proposé. C'est dire qu'aujourd'hui le football est devenu une affaire d'Etat, comme c'est le cas en France où la sortie désastreuse des Bleus a provoqué un cataclysme qui a conduit à la démission du président de la FFF Jean-Pierre Escalettes et de soulever un tollé politique qui n'a pas laissé indifférent le président Sepp Blatter, rappelant à l'ordre contre toute tentative d'ingérence dans les affaires de la fédération. Hier, c'était au tour du duo Domenech – Escalettes d'être entendu à huis clos par la commission parlementaire chargée des affaires culturelles et d'éducation pour s'expliquer sur le fiasco des Bleus, avant de se dérober par une porte secrète qu'un député a appelé «la porte de la fuite», laissant, de son côté, la ministre Roselyne Bachelot, rectifier le tir vis-à-vis de la FIFA sur une éventuelle ingérence. Pour dire à quel point les affaires de football sont devenus aussi importantes que d'autres. Et encore plus en Afrique, où le sport roi se retrouve souvent mêlé aux luttes de pouvoir, servant parfois les gouvernants et les desservantlorsque la roue des résultats tourne. «Partout dans le monde, le football joue un rôle important dans la vie sociale et politique. C'est le cas en Amérique latine, moins en Europe, et c'est très prégnant en Afrique », expliquait il y a si peu le géopolitologue Pascal Boniface, le directeur de l'institut de relations internationales et stratégiques de Paris. L'exemple de ce qui s'est passé en Egypte après l'élimination des Pharaons par l'Algérie est frappant ou bien la contribution des joueurs ivoiriens pour ramener la paix dans leur pays après les affrontements sanglants entre les sudistes et les nordistes est également édifiante. L'Algérie n'est pas en reste, puisque le succès des Verts a bien servi la paix sociale, ressoudé le peuple et mis une bonne dose de nationalisme. Mieux encore, les pouvoirs publics ont répondu favorablement pour la prise en charge du passage au professionnalisme en décidant de débloquer des sommes faramineuses, alors que la désignation d'un nouveau sélectionneur est presque devenue une affaire d'Etat.