Mutation n Les magasins de brocante, initialement destinés à ceux qui n'ont pas les moyens de s'équiper de neuf, sont maintenant de plus en plus fréquentés par des gens aisés. Il faut dire que des objets, souvent de grande valeur historique et marchande, sont acquis par les brocanteurs à bas prix auprès de familles désireuses de «moderniser» leur intérieur ou se procurer un peu d'argent frais, pour être ensuite cédés au prix fort. Après quelques opérations sommaires de réhabilitation, ces objets sont proposés à une clientèle «spéciale» composée de riches passionnés de meubles anciens et autres antiquités. Une virée dans des magasins d'antiquités et de brefs échanges avec des fournisseurs et des clients ont confirmé cette tendance qui fait des magasins de brocante, non plus des temples poussiéreux de vieilleries à l'abandon, mais un lieu de rencontres d'affaires privilégié pour gens «branchés», généralement connaisseurs et au porte-monnaie bien garni. Linda, 47 ans, est de ceux-là. Elle visite assidûment un magasin d'antiquités au cœur d'Alger pour assouvir sa passion pour les objets décoratifs anciens, notamment les vases, et elle en trouve des modèles hors de prix mais qu'elle n'a pas pu dénicher, dit-elle, même dans les pays où brocanter est déjà un art. Mohamed, retraité, choisit, quant à lui, de collectionner des quantités énormes de produits anciens. «J'ai réservé chez moi toute une pièce à ces antiquités que j'achète et répare moi-même parfois. En plus de m'amuser et de m'occuper, ce stock me rassure à l'idée de laisser de belles choses et de grande valeur à mes enfants et petits-enfants», souligne-t-il. Il faut dire aussi, relèvent certains, que la qualité des équipements de maison modernes en vente actuellement laisse à désirer lorsqu'elle ne traduit pas un mauvais goût avéré qui pousse les gens à retourner vers l'ancien réputé plus présentable et infiniment plus résistant. Mais à la différence du commerce des objets utilitaires, d'ameublement ou de décoration, la vente d'objets d'art de grande valeur historique et artistique exige des moyens financiers conséquents et demande une capacité de négociation à toute épreuve pour les acquérir au bon prix auprès des familles qui les conservent jalousement. Ces dernières se trouvent être, dans la plupart des cas, de fins connaisseurs en la matière et donc très exigeants lorsqu'il s'agira de céder des biens le plus souvent hérités de génération en génération, soulignent les initiés. Les rares oeuvres d'art que l'on peut trouver dans les boutiques éparpillées un peu partout dans la capitale, se résument généralement à de petits objets en cuivre ou en porcelaine, rarement de la grande tapisserie ou des tableaux de maître.
