Contradiction n La tendance en France est au débat sur l'identité nationale, dans un pays construit grâce aux efforts de millions d'émigrés. Les Français ont le regard souvent sélectif. A chaque fois qu'une voiture est incendiée dans les zones dites difficiles ou qu'une bagarre entre jeunes de banlieue dérape, les Maghrébins et les communautés de couleur sont automatiquement stigmatisés. «Ce sont eux les fauteurs de troubles. Ils font toujours le b… dans les cités.» Vous l'avez compris, «la racaille» (le mot est de Sarkozy aujourd'hui président de la République), ce sont les musulmans, les émigrés d'Afrique du Nord et accessoirement d'Afrique tout court. Maintenant que la boîte de Pandore est ouverte chaque chapelle politique donne sa propre lecture sur l'identité nationale. C'est la tendance. Deuxième religion de France, l'Islam, curieusement, n'est pas compris dans cette quête de l'identité. Pis, Nadine Morano, ministre du gouvernement Fillon, a même prodigué des conseils aux Beurs pour qu'ils soient en conformité avec cette identité. «Un bon musulman ne doit pas parler le verlan et ne doit pas porter sa casquette à l'envers», a-t-elle déclaré. L'incroyable «ministrette» s'est pourtant gardé d'adresser ces mêmes recommandations aux catholiques. Et pourtant, ces enfants d'émigrés que l'on montre du doigt et qui n'ont jamais connu d'autre pays que la France sont issus de parents qui, eux, ont tout donné à la France. Engagés volontaires ou appelés sous les drapeaux, des milliers de Marocains, d'Algériens, de Tunisiens et de Sénégalais ont donné leur vie et leur jeunesse à la France entre 1914 et 1918 et leurs dépouilles peuplent aujourd'hui les cimetières de l'Hexagone. Ils sont tombés à Verdum, dans les tranchées, dans les plaines de la Sambre et de la Meuse. D'autres Maghrébins et d'autres Africains connaîtront le même sort entre 1939 et 1945 au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ils se battront pour la France en Italie, à Monte Cassino, en Allemagne et même en Roumanie, où l'on a dénombré 14 tombes, il y a une dizaine d'années. Pour la petite histoire, c'est notre ambassadeur à Bucarest, un certain Liamine Zeroual qui offrira une sépulture décente, selon le rite musulman, à ces malheureux que tout le monde a oubliés. Et nous ne parlons pas du conflit indochinois où la fine fleur de nos enfants a perdu la vie. Avant de servir de chair à canon, leur a-t-on demandé leur identité nationale ? Leur a-t-on demandé si leur femme portait le hidjab ou le voile et si leur sœur exhibait un foulard ? Leur a-t-on demandé de prier en français et éventuellement de se séparer de leur deuxième épouse ? Non, assurément. Et pour cause. Les «indigènes» avaient plus à offrir. Leur vie.