En 2007, l'université Mouloud-Mammeri organisait un colloque international sur «Les passeurs culturels au féminin, l'exemple de Fadhma et Taos Amrouche». C'était la première fois qu'un hommage était rendu à une famille reniée, ignorée et volontairement jetée dans la pénombre de l'histoire, par les siens. Ce lundi c'est la direction de la culture qui a organisé une journée d'étude sur la famille Amrouche. Entre le colloque de 2007 et le rendez-vous d'aujourd'hui, le fossé est énorme…. Organiser une journée d'étude avec une allocution d'ouverture improvisée, un modérateur qui réduit l'œuvre des Amrouche à une «collecte du patrimoine culturel kabyle» est une insulte à la mémoire d'une famille qui a tant donné pour sa patrie sans recevoir en retour que reniement et souffrance. En 2007, c'était la première fois qu'en Algérie on rendait hommage à une famille exclue aussi bien par le colonialisme, le système patriarcal, que par la ségrégation religieuse. Aujourd'hui, il est important de revenir à l'histoire des Amrouche pour réparer une injustice. Il s'agira notamment de réinvestir et de se réapproprier l'héritage des Amrouche, les regarder autrement. Pour Pierre Amrouche, fils de Jean El-Mouhoub, qui s'est exprimé en 2007 sur l'hommage à sa famille, «même s'il a fallu trop attendre pour qu'en Algérie on parle enfin des Amrouche, ce premier pas est un signe de renouveau». Toutefois, il ne faudra surtout pas tomber dans la banalisation et le folklore lorsqu'il s'agira d'évoquer ceux qui ont marqué de leur empreinte indélébile l'histoire de notre pays. Jean, «l'orphelin sans patrie» qui a joué un rôle important en servant de médiateur entre le général de Gaulle et Ferhat Abbas alors président du Gpra pour que soit reconnue «une patrie aux Algériens et que cette patrie corresponde à leurs vœux. Tel est le problème essentiel», écrivait-il en 1957. Taos la «sauvage d'Afrique» pour qui le chant était une quête existentielle, ou Fadhma, une vie de souffrances et de déchirements, méritent d'être réhabilitées dans leur pays et donner ainsi un début de réponse à la grande question de Jean Amrouche, qui, un an avant sa mort, se demandait «si l'Algérie pourra effectivement remplir ce que nous espérons, à savoir devenir cette nation multiraciale qui dépassera les antagonismes de race et de religion. Deviendra-t-elle ce qui n'existe nulle part au monde, c'est-à-dire la patrie de l'Homme où ses composantes religieuses, linguistiques, passionnelles et mythologiques seraient dépassées ?»