Hammerfest est la dernière ville du monde, en Laponie. Elle est située au nord, sur un immense plateau recouvert de neige pendant neuf mois de l'année. Un Américain nommé Ronson, aventurier chasseur de peaux et de fourrures, découvre cette ville un matin de juin 1926. Ronson est un géant, aux cheveux blonds, à la barbe blonde, vêtu d'un manteau immense de fourrure d'ours. Son équipage est constitué d'un traîneau de tête attelé de rennes et de deux autres attelés de chiens, contenant bagages et provisions. Ronson a trois fusils, un revolver, et porte, toujours lié à sa botte, un poignard à manche de corne. Mais ses intentions sont pacifiques et commerciales. Il vient acheter les peaux d'ours noirs ou blancs, les zibelines, les martres et les renards bleus. Il fait soleil à Hammerfest. Un soleil qui ne se couche jamais, du 16 mai au 27 juillet. Ronson cherche une chambre, dans le baraquement de bois qui sert de grand hôtel à Hammerfest. Il est rompu de fatigue. Son voyage a duré six semaines debout sur son traîneau à chasser les loups ou à dormir d'un œil, enfoui sous des couvertures gelées et des peaux d'ours. Le petit homme qui le reçoit et empoche ses dollars pour le prix d'un lit est un Lapon. C'est un nain ou presque, d'une laideur repoussante. Le visage est large, disproportionné et plat. La peau jaune safran et le nez écrasé entre deux yeux minuscules. Son peuple est, ainsi fait de petits hommes, dont la laideur choque les explorateurs de l'époque. Ils sont 25 000 nomades dans cette région, depuis le cap Nord jusqu'aux fjords les plus profonds de Norvège. Ils possèdent un troupeau de 400 000 rennes, et passent de Russie en Finlande, de Suède en Norvège, au mépris des frontières, à la recherche du lichen qui nourrira leurs bêtes. Et aussi pour échapper aux impôts. D'ailleurs, où sont les frontières sur ce plateau de glace ? On ne voit que sapins et bouleaux. Mais à Hammerfest, surnommée la dernière ville du monde, les Lapons viennent à la rencontre des acheteurs. Ils viennent par tribu, traînant de lourds chariots couverts de peaux, avides de les échanger contre des dollars, de l'or, et même du ravitaillement. Il y a 2 000 habitants à Hammerfest, presque tous pêcheurs. Chaque saison, ils accueillent avec bienveillance les tribus nomades venues faire leur commerce, et aussi les acheteurs venus de si loin : d'Amérique, du Canada, d'Europe même. Car ces acheteurs, comme Ronson, sont des nomades eux aussi par la force des choses. Cette nuit du 4 juin 1926, le soleil veille sur le repos des Lapons, installés un peu partout dans les rues, sous des tentes et dormant sur les fourrures. Le Lapon est un être à part dans le monde. Il ne connaît pas le crime, il ne connaît pas le vol. C'est un doux, qui ignore la violence. Or, ce 4 juin 1926, à minuit au soleil, alors que tout le monde dort, hommes, chiens et rennes mélangés, voici que se commet le premier crime du monde, pour les Lapons. Le premier de leur histoire, et qu'ils n'oublieront jamais. Dans la nuit, Ronson est réveillé en sursaut par des cris étranges. Les chiens aboient. De la fenêtre du baraquement, il distingue les petits hommes courant dans tous les sens... Dans la rue s'est installée une tribu, venue du golfe de Botnie. Ils ont eu de la chance durant toute la période de chasse et ont amené à la ville des lots de fourrures magnifiques : des zibelines. Ronson les a aperçues la veille, empilées sous une tente et gardées par un petit homme graisseux et sale. Une fortune gardée par un nain. Le nain est mort. La fortune a disparu. C'est ce que crient les Lapons. Ronson fait le tour des tentes pour arriver jusqu'au lieu du crime. (A suivre...)