Résumé de la 1re partie n Muller, le premier à faire sa déposition, hésite – craignant un guet-apens – à s'approcher du corps... C'est maintenant le conducteur d'une voiture postale qui vient témoigner brièvement, d'un ton bourru, très pressé, comme s'il avait autre chose à faire. «En apercevant dans la neige une sorte de tache rose, comme un corps humain, je suis descendu avec les deux collègues qui étaient avec moi. J'ai vu qu'il s'agissait d'un jeune homme, et qu'il était mort. Nous ne l'avons pas touché pour ne pas effacer les traces et nous sommes allés tout de suite prévenir la police de la commune. — Merci, monsieur, veuillez maintenant appeler le commissaire Kapler.» Il n'y a rien à dire du commissaire Kapler, sinon que c'est un vieux flic portant un long cache-col, qui a fait consciencieusement son travail, et rédigé un rapport : «Je suis arrivé sur les lieux à cinq heures trente. J'ai vu le corps étendu dans la neige. Il s'agissait d'un jeune homme blond vêtu en tout et pour tout de son slip. Il était mort mais sans doute depuis peu, car il n'était pas recouvert par la neige qui n'avait cessé de tomber que depuis trois quarts d'heure. Le corps ne montrait apparemment aucune blessure grave. Mais ses pieds étaient liés entre eux par du fil élastique, si bien serré et entrelacé qu'il paraissait impossible de le défaire sans une pince. Les poignets, en revanche, avaient dû être liés ensemble également par du fil élastique car on y voyait des plaies assez profondes. J'ai tout de suite compris, en voyant les traces qu'il avait laissées dans la neige, comment le jeune homme était arrivé là : en sautant à pieds joints ! J'ai suivi ses traces sur 500 mètres et je suis parvenu dans un petit bois jusqu'à un arbre où il avait dû être attaché. Autour, sous la neige assez épaisse qui les recouvrait, on devinait de très nombreuses traces de pas. Le drame avait donc dû se dérouler entre onze heures et minuit. «Il était facile d'imaginer ce qui s'était passé. Le jeune homme, sans doute agressé, déshabillé et attaché à cet arbre, avait réussi à détacher ses poignets lorsque ses agresseurs étaient partis. Puis, en sautant à pieds joints, il avait regagné la route où il espérait sans doute qu'un automobiliste lui porterait secours. — Monsieur le commissaire, vous oubliez un détail qui nous a beaucoup frappés. — Ah ! oui. Au retour, en partant de l'arbre, plus je m'approchais de la route, plus j'observais que les traces de sauts étaient rapprochées. Cette course à pieds joints dans la neige a dû être épuisante pour ce malheureux : 500 mètres de cette façon dans une neige épaisse, c'est épouvantable. — Comment avez-vous identifié la victime ? — Très facilement. Son père Guillaume Macken, employé aux P.T.T., ne l'ayant pas revu de toute la nuit, nous avertit à la première heure de la disparition de son fils Ulrich. — Et comment avez-vous réussi à mettre la main sur les agresseurs d'Ulrich Macken ? — Grâce à sa voiture.» C'est alors que l'avocat de la partie civile intervient : «Monsieur le président, cette voiture a une petite histoire. J'aimerais la raconter. — Faites. — Ulrich Macken, ce jeune garçon de dix-huit ans, blond, au visage encore enfantin, était monteur électricien. Il travaillait dur mais ne gagnait pas encore beaucoup d'argent. Il rêvait de s'acheter une voiture d'occasion pour les fêtes de fin d'année. Inutile de dire que pour cela il a dû économiser sou par sou pendant des mois et des mois. Aussi était-il radieux lorsque quelques jours plus tôt, la veille de Noël, il a pris possession de cette Ford grise de 1966, dont il a tout de suite orné chaque porte d'une petite rose en décalcomanie.» (A suivre...)