En Algérie aussi, l'âne a mauvaise presse ou plutôt bon dos : un dos large et puissant fait pour recevoir les charges et les coups ! L'arabe h'mar et le berbère aghyul sont des insultes courantes. Les deux mots véhiculent tout ce qu'il y a de négatif dans l'homme : la bêtise, la précipitation, la persistance dans l'erreur, les bas instincts et tout le reste : ya h'mar ! «espèce d'âne», ras leh'mar «tête d'âne», klam leh'mar «propos d'âne»... La panoplie des invectives mettant l'âne en scène peut être allongée à l'infini. Un cousin de l'âne, le mulet, lebghel, en arabe, et aserdun, en berbère, est, lui aussi, pris à partie, mais pas autant que l'âne qui reste l?exemple même de la bêtise. Le Kabyle se sert même de son nom pour forger un nouveau concept : taghyulit, comportements et réactions construits sur l'ignorance, mais aussi sur la bêtise et la stupidité ! De nombreux proverbes stigmatisent la taghyulit. Ainsi : l?âne est emporté par le fleuve mais il crie : «Je veux du foin !» Cet animal, certes têtu mais serviable et obéissant ne mérite sans doute pas ce sort. Nos ancêtres, qui lui reconnaissent quand même des qualités, n?en font pas toujours un animal stupide. Ainsi, dans un proverbe, le lion qui propose à l?âne sa tête contre un sac de foin répond : «Si je te donne ma tête, qui broutera le foin ?». Et cette pointe vengeresse de l?âne contre les enfants qui le prennent pour leur souffre-douleur : «Je jure de quitter le paradis s?il s?y trouve des enfants !»