Gâchis - Et pendant dix ans, ironie du sort, ils vivront dans la même ville, en l'occurrence Oran, sans le savoir et sans même se douter qu'ils n'étaient séparés que par un seul quartier. Mohammed et Nourredine se sont connus alors qu'ils n'avaient que 12 ans seulement. Tous les deux étaient internes dans un collège de la capitale. Ils étaient partout ensemble comme des frères siamois : au réfectoire, dans la cour de récréation et, bien sûr, en classe où le pupitre de l'un était quasiment vissé à celui de l'autre. Mohammed était originaire de Blida et Nourredine de l'ouest du pays. C'est en 1958, après le BEPC qu'ils se quittèrent et se perdirent de vue. Au lendemain de l'Indépendance, les deux adolescents devenus adultes, tentèrent de renouer le fil. En vain. De par leur travail ils n'étaient jamais à la même place. Mohammed occupait une fonction où il était souvent muté et Nourredine changeait régulièrement de wilaya. Il y a dix ans, Mohammed et Nourredine se stabilisèrent enfin grâce à leur retraite, fruit de leur long et laborieux labeur. Et pendant dix ans, ironie du sort, ils vivront dans la même ville, en l'occurrence Oran, sans le savoir et sans même se douter qu'ils n'étaient séparés que par un seul quartier. Il y a trois semaines, Mohammed, par le biais d'un ami commun, réussira à localiser Nourredine. Il résidait à deux kilomètres environ de Bel-Air où il habitait. Malgré ses différentes démarches et ses multiples recherches auprès des commerçants et des gardiens d'immeubles, personne n'a jamais entendu parler de Nourredine. Vendredi dernier, à la mosquée Nour de Gambetta, Mohammed et les fidèles furent invités, après la prière, à prier à la mémoire d'un homme dont on venait de ramener la dépouille. C'est en rentrant chez lui à 14h 30 que Mohammed apprendra trois choses terribles par téléphone : que Nourredine était mort jeudi, qu'il avait été enterré vendredi et qu'il avait prié sur lui il y a quelques minutes.