Avis - C'est hier qu'a pris fin le festival national consacré au melhoun – cette littérature populaire – et initié en hommage à Sidi Lakhdar Benkhelouf, son représentant attitré, à la fois barde et mystique. Ce festival organisé à Mostaganem du 21 au 26 août, avait deux objectifs : un éclairage sur la vie et l'œuvre de Sidi Lakhdar Benkhelouf, et la mise en valeur de ce patrimoine immatériel. Il faut vulgariser la création littéraire du melhoun dans sa forme poétique et également la nécessité de promouvoir les poètes populaires. D'où la nécessité de mettre en exergue ce genre poétique, de le faire connaître davantage auprès du public et d'entreprendre des recherches et des travaux universitaires dans ce domaine. En d'autres termes, évoquer et s'intéresser au melhoun, c'est prendre en compte cette forme d'expression littéraire et révéler en conséquence, sa portée poétique, esthétique, sociologique, religieuse et historique. «La poésie populaire est un moyen d'expression propre à l'individu pour dire ses préoccupations sociales, religieuses, ses us et coutumes», explique Abdelkader Bendamèche, musicologue et commissaire du festival. Celui qui estime que le melhoun en tant que poésie et donc expression littéraire est «un moyen de stockage de toutes les informations et connaissances d'une société», tient à souligner que le melhoun est «une création littéraire par excellence». Ainsi, le melhoun se révèle en soi une création littéraire en mouvement, puisque de nombreux chanteurs chaâbis de tous les temps ont puisé dans l'œuvre de Sidi Lakhdar Benkhelouf, notamment pour le «medh», un genre qui favorise les louanges aux prophètes. «La poésie melhoun a abandonné les règles de la grammaire, caractéristiques essentielles de la grande poésie arabe», explique-t-il, et d'abonder : «Cette forme poétique, devenue l'étendard des populations algériennes et marocaines, a évolué à partir du XVIIe siècle en plusieurs branches appelées hawzi et m'gherbi à Tlemcen, arobi à Alger, Mostaganem et Blida, mehdjouz à Constantine, bédouin au sud et dans les campagnes.» Abdelkader Bendamèche tient à préciser : «Loin de nuire à la propagation de la langue arabe classique, cette forme, instituée par Lakhdar Benkhelouf, suivie par d'éminents poètes durant de longs siècles, pourrait faciliter l'accès à la connaissance socioculturelle de l'individu. Aucun aspect de la vie n'échappe à cette forme d'expression intelligente qui allie l'élégance à la profondeur de l'être.» Abdelkader Bendamèche, pour qui l'Algérie est une nation plusieurs fois millénaire, pouvant alors s'enorgueillir de cet humus séculaire qui fait sa grande fierté, relève : «Cet acquis hérité des ancêtres est jalousement sauvegardé et entretenu par les populations de toutes les contrées du territoire national.» Sidi Lakhdar Benkhlouf, qui a échafaudé une œuvre importante, est considéré comme l'un des représentants incontestés de la poésie melhoun. Né à la fin du VIIIe siècle de l'hégire, (XVe siècle après J.-C.), il mourut à l'âge de 125 ans, au début du XVIIe siècle. Témoin de son époque, Sidi Lakhdar Benkhelouf consigna dans ses poèmes tous les faits historiques et sociologiques qui ont marqué et jalonné sa vie. A titre d'exemple, Lakhdar Benkhelouf a été un témoin vivant de la bataille de Mazaghran (26 août 1558) contre les Espagnols. Il a pris part au combat, bataille remportée par l'armée algérienne contre les Espagnols conduits par le comte d'Alcaudète, gouverneur d'Oran, au cours de laquelle, ce dernier trouva la mort. Le poète consignera tous les faits de cette glorieuse bataille dans la célèbre qacida intitulée Qesset Mazaghrène. Et c'est la raison pour laquelle il est qualifié par les universitaires et spécialistes comme un chroniqueur, voire un journaliste.