Procédé Chaque année, plus de 3 000 personnes sont enlevées en Colombie. Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), guérilla marxiste de 17 000 combattants, et l'Armée de libération nationale (ELN), guévariste, seraient responsables de plus de la moitié des enlèvements qui ont eu lieu en 2001. Le reste est attribué aux groupes paramilitaires d'extrême droite et à la délinquance commune. Une «industrie» qui générerait 30 milliards de pesos par an, près de 15 millions d'euros pour les ravisseurs. «C'est un drame qui dépasse toute distinction de classe», souligne Julieta Pescador, de l'association Pais libre, fondée en 1991 pour aider les familles. Depuis juillet 1998, l'ONG diffuse à la radio des messages pour les prisonniers. Dans le petit studio d'enregistrement, Camila, 3 ans, chante une chanson pour son père, qui fête son anniversaire en captivité. L'histoire que raconte sa mère, Ruth, est hélas assez commune en Colombie. Les Farc ont enlevé son mari alors qu'il venait de payer une rançon de 500 millions de pesos (250 000 euros) pour obtenir la libération de son propre père? «Ils ont libéré mon beau-père, mais emmené mon mari. Un véritable calvaire : je n'ai pas de quoi payer une nouvelle rançon», explique-t-elle. Durant sa captivité, son beau-père est resté seul, dans une tente en plastique improvisée. «Personne ne m'adressait la parole. On me donnait juste de quoi manger et me laver», a-t-il raconté à son retour. D'autres rescapés se souviennent des longues marches forcées dans les montagnes, de la peur constante d'être tué en captivité, de tomber malade ou d'être blessé au cours d'une offensive de l'armée. «Le pire, c'est que nous devenons des marchandises, avec un prix d'échange. Nous ne sommes plus des êtres humains», souligne Guillermo Cortés, journaliste enlevé pendant deux cent cinq jours, dont l'histoire a fait le tour du pays.La situation est encore plus complexe pour les soldats et les personnalités politiques retenus par les Farc. Pour ceux-là, pas de rançon. Leur libération dépend, dans le pire des cas, d'une opération militaire qui peut mettre leur vie en danger, au mieux d'une décision politique. En juillet 2001, un accord avait permis la libération d'une soixantaine de policiers et de soldats retenus par les Farc depuis parfois cinq ans, en échange de 14 guérilleros prisonniers de l'Etat. Un peu plus tard, les rebelles avaient remis aux autorités 300 autres membres des forces de l'ordre, mais beaucoup d?officiers et sous-officiers restent entre leurs mains, dans des conditions de plus en plus précaires. Marleny Orjuela, présidente d'une association qui regroupe les familles des militaires, a rencontré de très nombreuses fois les commandants rebelles. Elle a même pu visiter les «prisons» de la guérilla, des maisons de bois entourées de fils barbelés, comparées par la presse colombienne à des camps de concentration.