Il fut un temps dans ce pays, aux temps bénis du socialisme de la mamelle, des monopoles de l'Etat, des sociétés nationales et autres inventions qui auraient pu être comiques si nous n'avions pas à en payer la facture aujourd'hui, où la rétention des stocks était le sport favori des gros spéculateurs et dont les maîtres du jeu se trouvaient dans les rouages même de l'Etat. Aujourd'hui, on appellerait cela un délit d'initié. Des commis de l'Etat se servaient des informations qu'ils avaient pu glaner dans l'exercice de leurs fonctions pour alerter leurs sbires et néanmoins complices que tel ou tel produit allait manquer durant telle période de grande tension. Des stocks étaient alors constitués. Au moment où le produit est encore disponible et à bas prix. Puis, lorsque le produit commençait à disparaître du marché, l'offre se faisait encore plus rare par une rétention intelligente des stocks, jusqu'à ce que les prix atteignent des pics vertigineux. A ce moment, la marchandise commençait à être écoulée. Mais au compte-goutte pour maintenir les niveaux des prix. Des centaines de grands commis de l'Etat et leurs nervis sont ainsi devenus riches comme Crésus. En toute bonne conscience. Aujourd'hui, avec la libéralisation du marché, la rétention des stocks n'est plus possible sauf pour les produits sous le monopole tacite des copains. Entendre par-là que certains produits à forte rentabilité et importés en totalité ne le sont que par si flène ou si féltène. Ce sont même des chasses gardées. Nous y reviendrons une autre fois. Mais il subsiste néanmoins un produit hautement stratégique, dont nous pouvons parler et dont la rétention des stocks fait la fortune des très gros spéculateurs. Certains nichent dans le giron même de l'Etat. C'est le ciment. C'est peut-être même le dernier produit à très haute valeur spéculative. Pour quelques cimenteries disséminées à travers le pays, ce sont des centaines de millions de dollars qui sont engrangés chaque année par une poignée de barons et quelques dizaines de très gros spéculateurs. Des techniques très audacieuses sont actionnées pour maintenir la demande à un niveau très haut. Rétention des stocks, pannes provoquées, cycles d'entretien des cimenteries qui prennent plusieurs semaines, tracasseries pour décourager les importations et autres malices très élaborées dont celle qui a consisté, pendant des décennies, à freiner les politiques d'augmentation des capacités. L'actuel projet de M'sila, qui devrait contribuer à réduire la spéculation, connaît des problèmes insurmontables dont il serait très aisé de connaître les commanditaires. Cette spéculation organisée a généré des fortunes colossales. Elle a freiné considérablement le développement du pays. Pourtant, ceux qui se sont rempli les poches et qui affichent de façon ostentatoire le gain de leur rapine ne sont jamais inquiétés.