En l'absence de suivi et de contrôle des circuits de commercialisation, les spéculateurs prennent le marché en otage. Le marché fait sa loi et augmente les prix à sa guise. Les hausses se succèdent sur tous les plans et dans tous les secteurs et le gouvernement observe. Que ce soient les matières premières, les produits alimentaires et matériaux de construction ou l'équipement, les coûts n'obéissent à aucune règle. Ni l'offre ni la demande, et encore moins les directives du gouvernement ne sont respectées. Les exemples se multiplient. Le rond à béton, le ciment, le sucre, la pomme de terre, le lait, le blé, les viandes, les huiles, la liste ne cesse de s'allonger. La crise du ciment qui défraie l'actualité démontre encore une fois que le marché échappe complètement au contrôle de l'Etat. Le recours à l'importation est devenu la tradition pour calmer les tensions du marché. Au lieu de réglementer l'activité commerciale et maintenir le pouvoir des prix, le gouvernement préfère opter pour les solutions faciles. Afin de faire face à la crise du ciment, l'Etat a décidé d'importer 1 million de tonnes. Or, cette option règlera-t-elle le problème? C'est loin d'être le cas. Bien au contraire, les choses risquent de se compliquer davantage. Devant l'absence de suivi et de contrôle des circuits de commercialisation, les barons du ciment renouvellent leurs stocks pour prendre le marché en otage. La flambée des prix du ciment n'est guère liée à la pénurie de ce matériau mais plutôt à l'absence d'un mécanisme de contrôle passant par la production jusqu'à la commercialisation. Pour preuve, l'échec de la directive prise par le gouvernement fixant le prix du sac de ciment à 300 dinars à la sortie de l'usine. Pourquoi? Après une accalmie, le prix du ciment a doublé atteignant un seuil vertigineux. Le sac est actuellement vendu à 700 dinars. Si la demande est certes élevée avec le lancement de plusieurs chantiers de construction, il n'en demeure pas moins que les spéculateurs sont à l'origine de cette crise. Preuve en est, la production de ciment du secteur public a enregistré une croissance de 6%, durant les cinq premiers mois de l'année 2009, selon la SGP Gica Industrie des ciments. «De janvier à mai, les cimenteries publiques ont produit 4,697 millions de tonnes, contre 4,439 millions de tonnes durant la même période de 2008», a-t-on indiqué. Pour une capacité totale de près de 16 millions de tonnes, la production effective du pays a atteint 11,478 millions de tonnes à la fin de l'exercice précédent, contre 15 millions de tonnes en 2007, 14,6 millions en 2006 et 12,7 millions en 2005. Près de 11,6 millions de tonnes sont produites par les 12 cimenteries publiques et le reste par les privés. Les cimenteries publiques ont également décidé d'investir ensemble 780 millions de dollars pour augmenter leur capacité de production de 6 millions de tonnes par an à l'horizon 2012. Toujours à propos de la crise du ciment, le président de l'Agea reconnaît également l'absence totale de l'Etat. «Je pense que si le contrôle s'opérait de bas en haut à partir du marché en remontant vers la source, il serait possible de débusquer les fournisseurs véreux au niveau des cimenteries qui doivent sans doute accaparer des quantités sur les quotas qui reviennent aux opérateurs», a-t-il déclaré dans un entretien accordé à un confrère dans un quotidien. Effectivement, c'est la réglementation qui fait défaut. L'absence de mécanismes de contrôle périodique des prix laisse le champ libre aux spéculateurs pour imposer leur diktat. D'ailleurs, les départements du Commerce et de l'Agriculture se renvoient la balle à chaque fois que les prix augmentent. Le prix du sucre est passé de 55 dinars à 70 dinars le kilo. Le kilo de viande d'agneau a frôlé les 950 dinars alors que le cheptel est disponible en quantités importantes. L'Union nationale des agriculteurs s'interroge d'ailleurs sur les raisons de cette hausse inexplicable. L'Union s'est même dit étonnée du silence du gouvernement qui n'a pas pris de mesures pour casser le monopole du marché par les spéculateurs. Il faut reconnaître qu'à la veille du mois sacré de Ramadhan, le marché des fruits et légumes s'échauffe. La pomme de terre qui a fait tout un scénario ne descend pas en dessous des 40 dinars. Même les produits de saison n'échappent pas à cette flambée. La tomate a atteint, il y a une semaine, le seuil des 70 dinars le kilo. Idem pour le poivron qui est cédé à 60 dinars. Le marché promet encore des surprises.