«Diviser pour régner» est peut-être le plus galvaudé et le plus simpliste des b. a.-ba du politicard à la petite semaine. C'est un principe sacro-saint de l'arriviste et du minable qui ne peut s'imposer quelque part qu'en montant les gens les uns contre les autres et en semant la haine et la discorde. Dans notre pays, cette formule a été utilisée des siècles durant, avec un succès très évident. Jusqu'à en faire un pays ouvert aux quatre vents, à prendre par quiconque en veut seulement. Et c'est pour cela que «cette mosaïque de peuplades et de tribus», pour reprendre un Monsieur que nous ne citerons pas, a été colonisée de tout temps, un colonisateur chassant l'autre. Après l'indépendance, les nationalistes intègres et le peuple tout entier, tout à leur enthousiasme, pensaient en avoir enfin fini avec l'esprit de discorde savamment entretenu par le colonialisme. Mais c'était compter sans la nuisance des arrivistes de la Révolution, des parvenus de la langue de bois, des petits hommes qui se hissaient sur la pointe des pieds puis sur les épaules des grands, pour qu'on puisse enfin remarquer qu'ils existaient. En temps normal, sur le trébuchet des valeurs et des vertus, ils savaient qu'ils ne faisaient pas le poids d'une ombre. Ils n'avaient pas la plus petite chance de prétendre au dernier petit strapontin. Alors, ils reprirent à leur compte la vieille astuce éculée de la dissension et c'est alors que nous sûmes combien ils étaient forts à entreprendre tout ce qui est lâche, veule et indigne. Ils firent des miracles. Ils réussirent à diviser ce peuple. Ils privèrent les Berbères de l'usage de leur langue maternelle, les agressèrent dans leur identité, dans leur fierté. Ils leur dénièrent leur appartenance et leurs racines. Jusqu'à leur faire exécrer cet arabe qu'on leur imposait en les montant irrémédiablement contre leurs compatriotes d'origine arabe ou qui n'étaient plus berbérophones, par la force des choses. Les gens de l'Ouest furent remontés à l'extrême contre les BTS et les Chaouias, par extension tous les gens de l'Est. Au point qu'on ne dit plus Oranais mais Oraniens. Et c'est ainsi que furent ravivées les vieilles haines entre les Chaâmbas et les Mozabites, entre les gens du Sud et ceux du Tell, entre les H'chachnas et les Touareg entre les Kabyles de Bougie et ceux de Tizi Ouzou, entre les Chaouias de la montagne et ceux de la plaine. Entre diverses tribus, entre diverses fractions d'une même tribu et même entre des familles d'une même fraction tribale. Tout ce qui peut diviser les gens est bon à prendre. Jusqu'au jour où les mêmes minables décideront pour nous d'un scénario autrement plus mortifère. Ainsi, pendant que nous nous entre-tuerons, ils pourront partir jouir de tous les trésors qu'ils nous ont volés.