Celui qui veut se convaincre absolument que l'absurde est la vertu cardinale qui règne dans l'esprit des timoniers de ce pays, n'a qu'à se pencher un tant soit peu sur le problème du logement social et des lois qui le régissent. Il n'y a pas très longtemps le logement était un droit constitutionnel. Le déficit et la pression populaire étaient tels qu'il fallait trouver une astuce pour infléchir la contestation. Après de savantes contorsions et avec l'aval du peuple lui-même, cette disposition de la loi fondamentale fut gommée. En fait, c'était bien inutile puisque la Constitution énonce de nombreux autres droits qui n'ont jamais été respectés. Après cela, il fut décidé de réglementer l'accession au peu de logements sociaux qui pourront être réalisés. Il fut décidé de ne les attribuer qu'aux plus démunis. Ce qui ne sera jamais tout à fait le cas. Des critères abracadabrants furent décidés. Un système de notation tiré par les cheveux servira à départager les candidats. Aussi, les prétendants usent-ils souvent de stratagèmes pour se faire bien noter, comme de se faire loger dans un bidonville au moment du passage des contrôleurs. D'autres, les plus nombreux, préfèrent graisser la patte à qui de droit. C'est le moyen le plus sûr. Et c'est ainsi que de confusion bien entretenue en trafic en tous genres, le logement social est devenu l'archétype du passe-droit, de la négligence, de la corruption et du bricolage. Mais aussi celui de la déchéance, puisque c'est dans ces cités de la misère que seront entassés et parqués tous les laissés-pour-compte. A tel point qu'il est devenu quasi exceptionnel de tomber sur une cité d'habitation de ce genre qui ait été construite en respect des normes minima admises. Plus que les autres marchés publics, celui des logements sociaux est livré sans presque aucun suivi sérieux à la voracité des fonctionnaires corrompus et celles des bricoleurs-entrepreneurs marrons. Toutes les cités du logement social vivent des problèmes ahurissants, découlant de la malfaçon et du bâclage. Et comme les habitants qui désespéraient de pouvoir trouver un toit s'estiment heureux malgré tout et ne pensent jamais à se plaindre, les pouvoirs publics ne s'en inquiètent jamais. Sauf après les tremblements de terre quand tous ces gourbis superposés s'effondrent. Le comble de tout cela ? C'est que dans ces véritables cours des miracles le loyer de ces logements, supposés accueillir les plus pauvres des Algériens, ceux qui sont au chômage ou qui touchent à peine le Smig, est généralement très au-dessus de leurs moyens. Conséquence : presque plus personne ne paie son loyer.