Emblème La mosquée Emir Abdelkader n?est pas uniquement une merveille de l?architecture arabo-islamique, mais aussi un morceau d?anthologie. Il y a quelques années, lors de sa visite des lieux, l?ambassadeur des Etats-Unis dira simplement : «Nous sentons la présence de Dieu parmi nous.» La «genèse» de la mosquée est partie d?une idée simple, celle d?un groupe de notables constantinois qui estimaient, à l?époque, que la ville accusait un manque évident de lieux du culte. «Les fidèles étaient contraints de prier dans la rue, sur des cartons», disaient-ils. C?est ainsi que les précurseurs sollicitèrent le colonel commandant de la 5e RM qui prit le projet à c?ur et en fit part au feu président Houari Boumediene. C?était en mai 1968. Dès lors, allait naître la première université islamique moderne en Algérie. Le choix du terrain, don de l?ANP, à Bellevue, va vite s?avérer peu judicieux, puisque effectué dans la précipitation. En tout état de cause, les travaux de terrassement débutèrent dès janvier 1970. La superficie totale du projet était aussi colossale que son coût 13ha (130 000 m2) pour une estimation globale équivalant à 6 milliards de dinars actuels. La conception fut alors confiée à l?architecte égyptien Mustapha Moussa, lui-même à l?origine de la construction de l?hôtel El-Aurassi et du Club des Pins, à Alger entre autres? Donc, dès les premiers travaux de terrassement engagés, de nombreuses villas situées en amont seront endommagées, leurs cloisons extérieures lézardées, à Bellevue «Ouest» ou à la cité du Patrimoine. Des murs de soutènement s?avéreront indispensables sur plusieurs paliers mitoyens du terrain d?assiette de la mosquée et des villas touchées. Plus de 30 ans après, les causes des ruissellements d?eaux souterrains à l?origine des «chahutements» des immeubles avoisinants et même de la mosquée n?ont pu être clairement identifiées. Plus de 30 ans après, les drainages effectués périodiquement n?ont pas empêché que quelques bâtiments de l?université islamique ne s?inclinent sous l?effet des glissements de terrains. On nous révélera que «tous les joints de dilatation insérés entre les divers blocs de la mosquée se sont effrités depuis le temps». Dans le même contexte ? celui de ruissellements et d?infiltrations d?eau ? une cave de l?université islamique a été découverte entièrement envahie par ces mêmes eaux. En fait, tous les maux dont souffre la mosquée se résument à un «maître mot» le financement. Les ?uvres d?art coûtent cher : ainsi le lustre qui devrait agrémenter prochainement le dôme central de la salle des prières coûtera la bagatelle de 27 millions de dinars. La facture Sonelgaz ? trimestrielle s?entend ? se monte, en période froide, à 80 millions de centimes : la salle des prières étant chauffée par un système de résistances électriques insérées sous le plancher. Le ravalement des façades et le passage d?un enduit d?imperméabilisation les empêchant de se détériorer sous l?effet des intempéries coûtera, à lui seul, 60 millions de dinars. En tout, une enveloppe incompressible de quelque 200 millions de dinars s?avèrera vitale en sus d?une autre enveloppe accordée par la wilaya de l?ordre de 24 millions de dinars/an au titre du budget de fonctionnement «stricto sensu» . La mosquée Emir Abdelkader, gouffre financier ? Déjà à l?époque de sa conception, la rumeur avait couru à Constantine sous la forme d?une métaphore qui s?exprimait ainsi : «La mosquée a accouché de plusieurs villas pour particuliers», sous-entendant que les budgets alloués par l?Etat ou par de généreux donateurs n?étaient pas toujours utilisés à bon escient? Rumeur qui sera démentie implicitement par la suite en effet et nonobstant le principe selon lequel il n?existe pas de prescription en matière de deniers publics, aucune poursuite ne fut engagée contre quiconque ayant participé de près ou de loin à la gestion de la mosquée. Actuellement, après 34 années d?existence, la mosquée souffre encore : sa gestion est carrément ruineuse pour le Trésor public et le sera vraisemblablement longtemps encore.