16e karmapa, chef spirituel de la communauté des Kagyupa, l'une des quatre sectes du bouddhisme, mourut en 1981. Dès lors, comme c'est la tradition, les lamas du monastère de Rumtek, dans le Sikkim indien, recherchent le tulku, la réincarnation de leur chef disparu. Il s'avère que, depuis l'invasion du Tibet par les Chinois en 1950, le choix du karmapa est très important car ce dignitaire figure au troisième rang de la hiérarchie religieuse tibétaine, juste après le dalaï-lama et le panchem-lama. Or, le dernier panchem-lama, décédé en 1990, était inféodé à Pékin dont il était devenu l'homme lige. Selon la tradition, dans l'attente de la reconnaissance et de l'intronisation du nouveau karmapa, la régence avait été confiée à plusieurs dignitaires. En 1990, le Taisitupa, un des régents de la communauté, affirma avoir découvert, cachée dans une amulette ayant appartenu à feu le 16e karmapa, une lettre indiquant la marche à suivre pour trouver le tulku, l'enfant réincarné du dignitaire disparu. Une mission fut donc dépêchée secrètement au Tibet pour retrouver l'enfant. En 1992, les moines délégués reconnurent le tulku, Ugyen Thinlay, un enfant nomade alors âgé de deux ans. Le choix des moines fut approuvé à la fois par le dalaï-lama et les autorités chinoises. En fait, mis au courant par leurs espions au sein de la communauté bouddhiste, les services secrets chinois auraient manipulé toute l'affaire à leur profit. En effet, le sharmapa, un autre régent de la communauté Kagyupa, déclare que le choix du 17e karmapa n'est pas valable, car la lettre retrouvée serait un faux. Par ailleurs, il présente aux fidèles la «véritable» réincarnation du karmapa, un enfant de dix ans, qu'il s'empresse d'introniser officiellement dans un monastère, au grand dam des partisans du Taisitupa.