«Le rire est le propre de l'homme», disait Rabelais ; on le croit également en Algérie où les histoires drôles ont toujours, même dans les périodes les plus difficiles, abondé. C'est que le rire ? en arabe d'ah'k et en berbère tad'sa ? est une sorte d'antidote à la déprime, en tout cas il fait oublier, pour un temps du moins, les problèmes de la vie. «Ed'h'ak le ddanya, ted'h'ak-lak» (ris ou souris à la vie, elle te sourira). Le rire, c'est aussi l'expression de la gaieté et de la joie qu'on rend par toute une série de sons saccadés : bruyants, légers, fins, interminables, brefs... Autrefois, la bienséance recommandait de rire juste ce qu'il faut ; les femmes notamment étaient tenues de ne pas trop exprimer leur gaieté ou, disait-on encore, de «ne pas montrer leurs dents». Aujourd'hui, on ne refoule pas sa gaieté mais il est bien vu de ne pas déranger les autres par des rires trop bruyants. Evidemment, il y a rire et rire. Il y a le rire innocent de l'enfant, voire du bébé qui, dit-on, sourit aux anges : yed'h'ak m'â lmalayka ou alors itebba'e f lmalayka (il suit les anges) ; il y a le rire franc, d'ah'ka s'afya (rire pur) de celui ou de celle qui n'a aucune arrière-pensée, qui sait plaisanter, qui a toujours le mot pour rire ; il y a le rire jaune, d'ah'ka sefra, le rire de l'hypocrite qui fait semblant de partager la bonne humeur des autres, mais qui ne ressent que dépit et jalousie. Le kabyle emploie, à propos de l'hypocrite, une expression caractéristique, «tad'sa n wuglan» (rire des dents), c'est-à-dire un rire forcé ou rire apparent qui cache de mauvaises pensées... Bien entendu, on recommande de se méfier de ce genre de rire et de rieurs ! La vie est parfois comparée à l'hypocrite : elle distrait l'homme en lui promettant ou en lui donnant des joies passagères et elle se retourne contre lui, lui infligeant peines et souffrances. «Eddanya ghedara» (la vie est traîtresse) dit-on !