Résumé de la 3e partie ■ Charlotte assistait toujours aux séances de spiritisme de Naomi depuis que celle-ci lui avait expliqué que les esprits se sentaient attirés par ses «ondes». A la cafétéria ! songea Yolanda, soudain alarmée. Il fallait que ce soit une urgence pour que la señorita ne se soucie pas de ce qu'il y avait dans son assiette. Car Yolanda connaissait mieux que quiconque les étranges habitudes alimentaires de sa patronne. Ce soir, sur les instructions de Mile Lee, Yolanda avait préparé une salade à base de racine de lotus, non pas parce que Mile Lee aimait le goût de la racine de lotus, mais parce que, comme celle-ci le lui avait jadis expliqué, les mots chinois pour racine de lotus et l'expression «faire mieux chaque année» étaient presque identiques, si bien qu'il était recommandé de manger beaucoup de racines de lotus quand on voulait améliorer ses finances. Yolanda avait fini par se faire aux habitudes alimentaires de sa patronne, lesquelles étaient régies non tant par des principes culinaires que par des associations phonétiques. Ainsi, Mile Lee mangeait beaucoup de riz long parce que cela sonnait comme «vie longue», choisissait des aliments qui portaient bonheur comme le chou chinois et évitait ceux qui portaient malheur comme le maïs. Que de règles ! se dit Yolanda en retournant à ses fourneaux. Pour sa part, quand elle avait envie de tortillas elle mangeait des tortillas, point final. Charlotte enclencha la télécommande et le moteur actionnant la lourde porte du garage se mit aussitôt à ronronner tandis que les spots lumineux du plafond s'allumaient. Elle s'installa au volant de sa Corvette - un petit bijou qu'elle s'était offert l'année dernière, pour ses trente-huit ans - et mit le contact. Saisissant le téléphone mobile, elle enfonça la touche mémo correspondant au numéro de Naomi à l'Institut supérieur d'études paranormales. Dehors, la pluie torrentielle avait transformé l'ailée privative en cataracte. Risques d'inondations dans les parties basses du désert... La ligne était occupée, ce qui laissait penser que Naomi n'avait pas encore quitté l'institut, où elle donnait des cours en dehors de ses heures de consultation. Charlotte raccrocha le téléphone et considéra d'un œil songeur les trombes d'eau qui s'abattaient sur la route. En général elle allait partout avec sa Corvette, c'était son bébé. Mais ce soir, dans le petit coupé sport, elle se serait sentie vulnérable, à la merci des éléments. Un rapide coup d'œil à l'autre voiture - une Chevrolet quatre roues motrices qu'elle s'était achetée pour les rares excursions qu'elle faisait en montagne lorsqu'elle éprouvait le besoin d'échapper à la pression du labo -, et sa décision était prise. Elle se hissa hors de la Corvette, contourna la Chevrolet et alla s'installer au volant du 4 x 4. Les clés étaient glissées derrière le pare-soleil, afin que Pedro puisse la faire démarrer de temps à autre pour s'assurer que la batterie n'était pas déchargée et astiquer sa carrosserie d'un noir d'onyx. A suivre