Résumé de la 3e partie n Ce n'est pas qu'elle eût mauvais cœur, ma petite maîtresse, mais une mauvaise fierté lui est venue… Mais comment faire ? me dit-elle ; la Guillochonne n'est point toujours là sous ma main, et je vois à chaque moment Mistigri qui me demande à manger. – Sois tranquille, mon enfant, lui répondis-je, si tu veux m'en charger, je saurai faire la part de chacun ; il y a moyen de rendre la vie douce aux bêtes qui nous aiment et de soulager de son superflu les chrétiens qui souffrent, et je trouverai encore sur le lot de Mistigri une bonne assiette de gras et d'os mal épluchés pour la famille du jardinier, qui travaille depuis le point du jour jusqu'à la nuit et ne mange de la viande que deux fois par semaine. C'était l'habitude dans la maison de faire tous les samedis l'aumône aux pauvres de la ville et des environs. Marie voulut donner elle-même, et je lui remis le sac de sous qu'elle distribuait à la porte. Je la regardais par une fenêtre, et elle ne tarda pas à rentrer avec son sac vide et me dit qu'il y avait encore la moitié des pauvres qui n'avaient rien eu. Je lui répondis : Ma fille, il y en avait pour tout le monde dans le sac ; mais il est des pauvres gens que leur pauvreté rend malhonnêtes et qui ont volé les autres en te dupant toi-même. Comme tu ne connais pas bien leur visage à tous, les bonnes femmes s'en allaient là-bas derrière la haie, je les ai bien vues, et changeaient leur mante et revenaient te tendre la main, et puis elles t'ont envoyé leurs enfants et leurs petits-enfants, et même ceux qui n'ont pas besoin. Il ne faut pas que les vrais pauvres pâtissent pour les mauvais ; seulement, pour bien faire l'aumône, il faut connaître son monde ; on sait alors ce qui revient à chacun : le plus qu'on peut à ceux qui n'ont rien, très-peu de chose aux moins nécessiteux et aux fainéants ; c'est pour cela que tu me vois quelquefois donner deux sous à l'un et deux liards à l'autre. – Oh ! ma Françoise, me dit Marie, tu me diras ce qu'il faut à chacun, et c'est moi qui donnerai. – Je ne demande pas mieux, ma fille ; les pauvres aiment bien à recevoir de la main des enfants ; les sous leur en semblent plus jolis, et, pour les parents, un sou que leur fille met dans la main du pauvre leur paraît mieux donné, parce qu'il apprend à l'enfant à être bon cœur et généreux. J'étais déjà plus contente d'elle ; pourtant, un jour, nous nous fâchâmes. A suivre Charles-Philippe de Chennevières-Pointel