"Contraste" Visiter ce pays est synonyme de choc civilisationnel. La logique perd son sens, les repères s?estompent devant tant de paradoxes. Reflet d?une société primitive revisitée. La Mauritanie, pays aux mille et un paradoxes. L?éternel combat de la nature se déroule sous nos yeux. Le grand désert hideux, sauvage, indomptable et aride, se laisse enlacer par les eaux grises et tumultueuses de l?Atlantique. Une étreinte à la hauteur de la romance qui a toujours lié ces deux éléments. Au milieu, une population se bat contre le temps, voire contre l?emprise tenace des traditions et l?appel irrésistible de la modernité. Vu d?avion, le pays des «Chinguittis», ne laisse apparaître qu?un espace «bouffé» par le sable. Sans répit, insatiable, la désertification a de beaux jours devant elle. Chinguitti, ville située au nord et jadis centre de rayonnement et de savoir, gît à plusieurs mètres sous les sables. Une civilisation engloutie. L?Atlantide des temps modernes. Le vide est omniprésent. Pour nous, les gens du Nord, l?on a l?impression d?atterrir sur une planète imaginaire. Le néant nous interpelle déjà à dix mètres d?altitude. Il nous attire tel un aimant, comme pour nous signifier que plus dure sera la chute ou plutôt la rencontre avec la réalité. Aéroport de Nouakchott. L?odeur iodée en provenance de l?océan, embaume l?atmosphère. Le soleil, en ce mois d?avril, tape sans retenue, confirmant de plus en plus nos appréhensions conclues à partir du ciel. Qu?à cela ne tienne. Une fois débarqués, le pas hésitant, nous partons devant un fait accompli, celui de découvrir la dimension dans laquelle vivent nos voisins du Grand Maghreb. Ceux avec lesquels nous allons sceller notre sort en tant qu?ensemble sous-régional. Le trajet vers le centre nous laisse déjà perplexes. Des rues poussiéreuses, où l?absence de l?asphalte se fait nettement ressentir. Des bâtisses ocres et d?autres menaçant ruines longent tout le parcours vers le centre-ville. Des bidonvilles, apparaissant au grand jour, renferment une population qui semble bien s?y accommoder. Des enfants, pieds nus, jouent avec n?importe quoi. Le teint basané par le soleil et sa réverbération sur le sable, ces enfants ressemblent pourtant aux autres enfants du monde. Le cadre cependant diffère et le niveau de vie aussi. Même la capitale ne ressemble point aux autres que nous avons eu le privilège de visiter dans le cadre de nos missions. Une ville qui ressemble beaucoup plus à une agglomération du Sud algérien qu?à une métropole de 500 000 habitants. Nouakchott, sans aucun sentiment péjoratif, c?est uniquement cela. Des immeubles ne dépassant pas la hauteur de deux étages se dressent, ici et là, entrecoupés de maisons de fortune construites en parpaing, parfois en bois et du zinc en guise de toiture. L?harmattan, vent des alizés en provenance du Nord, qui balaye la région en cette période, enveloppe la capitale dans un mélange de sable et de poussières. Les «Nouakchottis» nullement agacés ne semblent point gênés. Les femmes en «melh?fa» et les hommes en «boubou», l?habit traditionnel mauritanien, sillonnent les rues de la ville en toute quiétude, le «siwek» à la bouche. Le décor de misère vous agresse et renvoie la mémoire aux séquences intenables des bidonvilles de Calcutta en Inde ou les favelas du Brésil.