Turbulences Mohamed Seghir B. est un jeune inculpé d?un chapelet de délits. Devant le juge, il ne regrette rien, mais encore? «Alors, inculpé. On s?est calmé depuis la semaine dernière ? Vous aviez piqué une crise de nerfs. Nous vous avions permis de vous reposer. Si, à Dieu ne plaise vous veniez à perturber l?audience, votre procès sera aussitôt renvoyé. Cela durera le temps où vous serez en état de répondre de vos actes», récite d?un trait Benaïda, le président du tribunal de Koléa (cour de Blida). Le détenu ne se sent pas bien du tout car lorsqu?il se remémore les délits auxquels il devra répondre, il a la chair de poule, lui, le? coq. Eh oui, il en a fait des bêtises le coco jugez-en. «Conduite en état d?ivresse, dépassement dangereux, défaut de vignette, trouble à l?ordre public». Le juge joue de l?humour en vue de détendre la pesante ambiance qui règne dans cette très petite salle (vivement l?achèvement de la nouvelle spacieuse salle). «On vous a amené ici ligoté ou en musique ?» Le détenu répond : «Normal». Entendez par là accompagné avec les autres détenus dans le fourgon. S?il reconnaît l?état d?ivresse, il nie la conduite : «J?étais garé sur la droite de la route. Je dormais on m?a réveillé brutalement. Ils ne savent pas ce que c?est que quelqu?un qui se repose a besoin de se réveiller tout seul», proteste-t-il. Le magistrat laisse venir. Il sait, par expérience, qu?un inculpé qui parle trop et sans même qu?on l?interroge, finit par balancer des aveux inespérés. «Et le dépassement dangereux ?», demande à dessein le juge qui apprend que le délit y était puisque Med Seghir a dit qu?il a voulu donner une leçon au ringard qui avait une cocarde «80» collée sur le pare-brise. «Cela veut dire que c?est un débutant», fait observer le président qui se rend compte que le détenu, qui n?est malheureusement pas assisté d?un avocat, dit beaucoup de bêtises, par exemple pour le défaut de vignette, le prévenu reconnaît ne l?avoir jamais acquise. «C?est une dépense inutile et le quartier où je réside est plein de nids- de-poule». Mais lorsqu?on arrive à l?ultime délit, le trouble à l?ordre public, l?inculpé éclate : «Alors là, M. le président, je nie «Makache menha», car si c?était le cas devant ma résistance, les policiers auraient usé de violence. Or, personne n?a levé la main sur moi. J?ai évité de les provoquer. Je m?en suis sorti indemne. Je demande pardon pour tout ce que j?ai reconnu avoir fait. Pour le reste, zéro. Rien». Benaïda, le président, n?en revient pas. Zemmouri, le procureur, réclame huit mois de prison ferme sur le siège et surtout pour se débarrasser de ce drôle d?inculpé, il lui inflige trois mois ferme, histoire de démontrer que la justice sait être magnanime devant un délinquant primaire. Med Seghir se retient. Il sait que la facture ramassée n?a pas été salée comme il le redoutait au vu du PV de la PJ.