Un beau soir d'été, dans un hôtel de B., la sage Muriel S., à peine âgée de vingt ans, qui effectue un stage professionnel à l'entière satisfaction de ses employeurs et de sa famille, voit entrer un client, jeune, sportif, charmant. Il dit se nommer Pierre. Le destin de Muriel bascule sans qu?elle en soit consciente. Dorénavant, sa vie est brisée, mais elle n'en a pas la moindre intuition. Le client est agréable, bien sous tous rapports. Muriel se laisse prendre au regard enfantin de Pierre, à ses bonnes manières. Quelques jours plus tard, elle abandonne stage, patron et avenir dans l'hôtellerie, pour suivre Pierre : ils partent s'installer ensemble à C. Pierre et Muriel ont tout pour être heureux. Pierre apprend sans trop de chagrin que son vieil oncle vient de mourir en lui laissant un petit magot. Muriel se réjouit de cet heureux coup du sort. Elle n'a pas la curiosité de s'informer du lieu ni de l'heure des obsèques. Pierre investit tout son héritage dans l'achat d'un petit commerce de poissons exotiques. Parfois, pour améliorer le budget du couple, Pierre part sur sa jolie moto vrombissante, pour quelques heures. Muriel, avec une curiosité légitime, s'informe de ses occupations pendant ce laps de temps. Pierre lui raconte qu'il monte des pylônes électriques. Muriel sera étonnée quand, par la force des circonstances, elle en saura davantage sur celui qui a conquis son c?ur : il n'est pas souvent en haut des pylônes. Il est pourtant efficace, mais dans un registre très différent. Une fois au bas de sa moto, il sort un joli revolver de son blouson et pénètre dans une banque où, toujours poli et souriant, il réclame, et obtient, le contenu de la caisse. Et cela depuis de nombreuses années. Mais, comme la police veille, Pierre, qui, en réalité, se prénomme Philippe, n'est pas toujours chanceux dans ses entreprises. Les autorités lui mettent de temps en temps la main au collet et il se retrouve alors en prison pour quelques mois. Mais Philippe s'ennuie en prison. Il a beau lire de sérieux ouvrages de philosophie, ses retraites forcées ne parviennent pas à faire de lui un philosophe digne de ce nom. Tous les jours, il piaffe d'impatience en regardant les oiseaux qui évoluent librement dans le ciel, en écoutant les bruits de la rue, les moteurs de voitures libres conduites par des hommes en liberté. Il devient fou. Et ingénieux. Il s'évade. Parfois, il réussit dans des conditions rocambolesques. Parfois, il échoue et se retrouve avec un casier plus lourd encore. Mais jamais le souriant Philippe ne désarme. Il essaye, toujours, de s'échapper. C'est après un essai provisoirement réussi que Philippe-Pierre est arrivé, un beau soir, dans l'hôtel où la jolie Muriel essayait d'apprendre un métier. Philippe-Pierre écume les banques. C'est le seul métier qu'il connaisse vraiment. On pourrait presque lui décerner un CAP de braqueur. Mais il opère toujours de manière charmante. Ses victimes, nombreuses, sont toutes d'accord pour proclamer son comportement de parfait gentleman. Ne va-t-il pas jusqu'à envoyer des roses à une caissière qui lui a semblé un peu émotive lors de son hold-up ? Pas sectaire pour deux sous, il expédie même à un commissaire de police bon enfant une carte de v?ux. En 1987, après quatre ans de bonheur à deux, après une nouvelle série de vingt ou trente braquages discrets et réussis, il se fait prendre. Et le voici à nouveau privé de liberté, dans la prison de Rennes. Déchirement pire encore qu'autrefois, car il souffre en plus de l'absence de Muriel. C'est l'amour fou mis en cage. Muriel comprend enfin avec quelle sorte d'homme elle vit, mais, chez elle aussi, l'amour fait des ravages. (à suivre...)