Course n «C?est à six heures du matin qu?un coéquipier sort de chez lui pour nous réserver le terrain, sinon on risque de ne pas jouer au foot vu qu?il y a plusieurs équipes qui se disputent le même espace.» Abdenour, 30 ans, vendeur dans un bureau de tabacs, ne parle pas du terrain du stade Maracana au Brésil ni même de celui du 5-Juillet. C?est seulement le terrain, ou ce qui reste d?une aire de jeu, située dans la commune de Aïn Bénian. Tous les vendredis, c?est le même casse-tête pour ces Zidane du vendredi. Comment jouer tranquille au football sans avoir à supplier les deux équipes qui ont précédé de ne pas trop tarder ? Les passants sont même parfois témoins de rixes entre jeunes se disputant une parcelle de terrain. Il faut dire qu?un autre terrain, plus grand, se trouve plus loin, l?Ilot, mais que les jeunes boudent «parce que nous avons nos repères à Ghoulam, le terrain le plus prisé de la commune». Un succès qui lui vaut de passer facilement du terrain de football au ring. Ils sont une centaine de jeunes, grouillant, pressés de rentrer sur le terrain dès la sortie des protagonistes qui les ont précédés. Certains demandent à l?arbitre de réduire le temps de la rencontre. Question temps, impossible de jouer une rencontre de 45 minutes par mi-temps. Ce n?est pas le souffle qui fait défaut, mais il faut laisser tout le monde user de son droit de jouir d?une aire de jeu pour décompresser. Le vendredi, c?est surtout jour de prière. Alors, il faut finir tôt pour aller se doucher, déjeuner et se réserver une bonne place à la moquée. Pour cela, il faut se lever très tôt pour être à l?aise, sinon, bonjour le marathon et les crises de nerfs. Sortir de chez soi à six heures du matin pour réserver le terrain pour le compte de ses copains devient un devoir noble dans la commune de Ain Bénian. Toutefois, cet exercice peut s?avérer infructueux puisque d?autres irréductibles se sont levés plus tôt encore. «Parfois, on se lève très tôt pour rien», dit Abdenour. Cette histoire se répète malheureusement dans quasiment tous les quartiers d?Alger. Des jeunes trop nombreux, que le seul terrain valable ne peut contenir, se regroupent dans un espace réduit et dans une ambiance électrique. A Bab El-Oued, le terrain Ferhani, ex-Cerdan, permettait, avec ses deux grands terrains, d?accueillir un certain nombre de jeunes pour qu?ils s?adonnent à leur sport favori. Depuis presque deux ans, des piliers en béton sont venus chasser ces jeunes puisque ce terrain devrait accueillir le populaire club de football du Mouloudia d?Alger. D?autres terrains qui jouxtaient le terrain Ferhani ont été transformés en une esplanade. La commune a néanmoins réalisé un joli terrain de handball, qui sert aujourd?hui de terrain de foot pour une commune qui compte plus de 300 000 habitants.