Image n Comme elle hésite à descendre du train — la marche séparant le wagon du sol étant trop haute — sa mère lui tend les bras. En 1914, Dallas était déjà l'une des plus grandes villes du Texas, sinon la plus grande. C'est encore un grand marché agricole, spécialisé dans la vente et le traitement du cuir et du coton, mais c'est déjà également un grand centre financier régional. Elle renferme l'un des plus grands gisements d'hydrocarbures des Etats-Unis, et à l'époque déjà, on s'éclairait et on se chauffait au gaz naturel. Dallas est une ville laborieuse où, en ce début de vingtième siècle, se pressent des milliers d'habitants de l'arrière-pays, minés par la récession économique et l'effondrement des prix du coton. Dans un bruit d'enfer, le train s'arrête, sifflotant et crachant une fumée épaisse. «Dallas, tout le monde descend !» Les voyageurs descendent par flots, la plupart traînant des valises et des sacs. Un contrôleur s'approche d'une femme qui a de la peine à faire descendre une malle. «Je vous aide, madame ? — Oh oui, monsieur», répond-elle. Il saisit la malle et la descend. La femme remercie, puis se retourne vers les wagons. «Papa, maman, donnez-moi vos sacs !» Elle prend les sacs que lui tendent un homme et une femme d'un certain âge. «N'oubliez surtout pas Bonnie !» Bonnie est une charmante petite fille de cinq ans, le visage parsemé de taches de rousseur, les nattes sagement posées sur les épaules et serrant dans les bras une poupée aussi grande qu'elle. Comme elle hésite à descendre du train — la marche séparant le wagon du sol étant trop haute — sa mère lui tend les bras. «Viens !» Elle s'y jette presque, et aussitôt se colle aux jupons de sa mère. «Maman, j'ai peur ! — Voyons, Bonnie, il n'y a aucune raison !» Elle traîne la malle en fer. «Papa, maman, suivez-moi... Nous avons encore un autobus à prendre ! — Tu es sûre de ce que tu fais ?» demande la mère. «Oui, Mary m'a expliqué dans sa lettre... — Je croyais que nous allions habiter Dallas, dit le père — Ici, c'est le centre-ville, les loyers sont trop chers...» L'homme soupire : «Nous aurions mieux fait de rester à Rowena…» Son épouse le gronde : «Voyons, nous avons décidé de partir et nous sommes partis... Il ne faut rien regretter ! — Quand même, je regrette Rowena... — Ne regrette rien papa, je suis sûre que tu te sentiras bien ici et que tu te feras des amis !» (à suivre...)