Mémoire Sid-Ahmed Essaghir, Ahmed Bey, des noms d?érudits et de révolutionnaires oubliés. Il y a quelques semaines, alors que la population algérienne se préparait à accueillir le ramadan, la région de Batna célébrait une ziara de l?ancestrale zaouïa des Beni Abbas. Celle-ci date de 1170 de l?hégire et a été fondée par Sidi Mohamed Essaghir d?origine irakienne. En effet, son arrière-grand-père n?est autre que Abdelkader El-Djilani le fondateur de cette confrérie dans la capitale des Abassides. En Algérie, cette zaouïa a été, pendant plus de deux siècles, une grande institution dont les biens fonciers s?étendaient sur des milliers d?hectares de Ouled Rahmoun (au sud de Constantine) à Sidi Okba (Biskra) et Khenchela, en passant par Bouzina et Oued Taga (Batna). Par ailleurs, exerçaient, au sein de cette zaouïa, d?éminents cheikhs qui étaient renommés pour leur érudition. Ces derniers répandirent sur ses terres les différentes sciences de l?époque, ce qui donna à cette confrérie une véritable dimension culturelle et sociale. Selon les statistiques élaborées en 1892 par l?armée coloniale, les khouane (disciples) étaient de l?ordre de 2 579. Un nombre qui inquiétait les forces militaires françaises car les maîtres de la zaouïa n?ont jamais caché leur engagement nationaliste et soutenaient les actions de résistance populaire. A ce propos, l?histoire relate que lorsque Constantine est tombée en 1837 entre les mains de l?occupant français, le dernier bey de la ville de Cirta alla trouver refuge dans la zaouïa des Beni Abbas. Farouche résistant, les archives révèlent qu?Ahmed Bey a même installé son quartier général dans cette confrérie, d?où il a poursuivi sa résistance jusqu?à ce qu?il soit capturé en 1849. La zaouïa sera sévèrement sanctionnée et ses biens spoliés. En dépit de cette dépossession, la zaouïa a su garder son charisme et son ascendance sur les populations locales, et ce, jusqu?en 1961, date à laquelle elle a dû abandonner ses quartiers à force d?être harcelée par l?occupant français. Ainsi, elle quittera la ville de Manaâ (située au c?ur de la ville de Abdi à 82 km à l?est de Batna) pour élire refuge dans la ville de Batna. Aujourd?hui, ces quartiers demeurent encore debout à Manaâ, mais hélas éprouvés par le temps. En outre, sa mosquée a la particularité de son minaret dont la forme pyramidale est restée inachevée. Celle-ci garde, précieusement, dans sa salle sépulcrale les tombeaux des saints fondateurs de cette zaouïa ainsi que les deux fils d?Ahmed Bey, en l?occurrence Mohamed et Cherif. Actuellement, ces lieux sont fréquentés par les fidèles de la région qui viennent pratiquer leurs cinq prières quotidiennes, et la ziara effectuée dernièrement par les descendants des membres de cette zaouïa de la région BeniMaâf, traditionnellement d?obédience Benabassi-Kadiria, a permis à l?arrière-petit-fils de Sidi Med Seghir qui est le président de l?association de la zaouïa Kadiria des Beni Abbas de parler de son projet de restaurer ce haut lieu de l?histoire et du patrimoine.