Le vieil entraîneur espagnol Luis Aragonés Suarèz, d'ailleurs le plus âgé de cet euro-2008 (70 ans), a-t-il délibérément sacrifié le grand Raul, dont tout le monde peste l'absence, pour justement exorciser un certain passé symbolisé par sa génération et celle qui l'a précédé ? C'est ce qui se murmure dans une certaine presse espagnole, surtout après la victoire éclatante d'hier des coéquipiers de David Villa, l'attaquant de Valence, auteur du premier triplé de la compétition (déjà buteur lors des éliminatoires avec sept réalisations), face à la Russie (4 à 1) et cette performance des Espagnols qui donnent déjà à réfléchir aux autres nations participantes. Et déjà la grande question : est-ce l'année de l'Espagne et sa Furia Roja ? Cela fait quarante-quatre ans que l'un des plus puissants et des plus riches footballs de la planète attend son heure depuis le seul titre que l'Espagne a gagné de toute son histoire. Mais Aragonès et ses hommes ne s'enflamment pas et savent pourquoi : en Espagne on sait ce que c'est le fameux syndrome de la malédiction des quarts de finale, bataille qui a souvent été fatale à la Seleccion. Alors, on préfère remettre les pieds sur terre, car les illusions des épreuves passées sont là pour rappeler que la compétition vient de commencer et que le chemin de la finale est encore loin. Il y a quelques jours, avant l'entame de cette compétition, Aragonès expliquait que Raul a fait les frais de choix tactiques d'un 4-4-3 organisé autour de Fernando Torres, l'arme fatale de Liverpool, où il ne pouvait avoir sa place. Peu convaincant, disent tous ceux qui l'ont décrié. Avant de laisser le soin à un de ses jeunes artificiers, Fabregas de lancer : «Je crois que l'Espagne a les moyens de remporter cette compétition, affirme le Gunner d'Arsenal. Nous formons un groupe très ambitieux. Notre moyenne d'âge n'est pas très élevée (26 ans), mais nous avons quand même pas mal d'expérience. Il faudra faire attention de ne pas s'enflammer si nous gagnons le premier match, comme cela a été le cas lors du dernier Mondial.» Le jeune attaquant d'Arsenal a tout résumé dans cette déclaration prémonitoire qui s'est vérifiée, hier, face à des Russes dépassés par de brillants Ibères où l'ambition était affichée, la jeunesse dominait et l'expérience étalée. Reste à savoir si les favoris de ce groupe D, où la Suède a été réaliste en disposant dans la soirée de la Grèce, tenante du titre (2 à 0), tiendront leur parole et le rythme d'une compétition qui vient de boucler sa première manche. Une première journée où le compteur affiche déjà 16 buts, soit une moyenne de deux réalisations par match et un seul zéro à zéro, celui de la piètre pièce entre Français et Roumains. Cette entame devrait augurer de plus belles et passionnantes empoignades en perspective, avec, dès ce soir, la seconde sortie des deux pays organisateurs, la Suisse et l'Autriche, qui joueront pratiquement leur dernière chance de qualification au second tour. De la tension, pourquoi pas un zeste de spectacle pour faire envoler cet Euro-2008 qui sent d'ores et déjà la surprise.