Les Bagdadis ont oublié durant deux heures la haine et le sang, les divisions communautaires et la pénurie d'électricité, pour partager en grand nombre et sur les mêmes gradins un bonheur qui leur avait échappé pendant cinq ans. Hier, dimanche, et pour la première fois depuis l'invasion américaine en 2003, près de 50 000 personnes, de tous les âges, de tous les quartiers de la capitale, ont assisté à la finale du championnat d'Irak entre Zawra, l'équipe fétiche de Bagdad, et celle d'Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan... Les Blancs contre les Jaunes. Mais ce n'était pas tant pour le match, remporté après prolongation par Erbil 1-0, que le public s'était déplacé massivement mais pour le plaisir d'être ensemble. «Je ne suis supporter d'aucune des deux équipes, mais je suis venu voir des Irakiens contents. C'est formidable de voir les gens sourire», dit un retraité de 58 ans venu de Samawa, à 270 km au sud de Bagdad. Fonctionnaire, Haïdar Jassem, 25 ans, a loué deux tambourinaires et un trompettiste pour fêter l'événement. A cause des voitures piégées, des bombes et des meurtres, il était hors de question ces dernières années de jouer la finale au stade Ach-Chaâb à Bagdad. Elles avaient eu lieu au Kurdistan, plus paisible. Il y a un an, réunir une telle foule était impensable. La capitale s'était progressivement recroquevillée sur ses 89 quartiers transformés en camps retranchés où la communauté dominante y chassait la minoritaire. Tout le pays avait suivi. Pour un chiite, aller dans l'ouest ou pour un sunnite se rendre dans le sud s'apparentait à de l'inconscience.