Il y a sept siècles et demi, Hulagu Khan et sa horde sauvage mettaient à feu et à sang Bagdad. Aujourd'hui, George Walker Bush lui emboîte le pas. Le 10 février 1258, déferlaient sur Bagdad les hordes mongoles sous la direction de Hulagu Khan, le petit fils du non moins légendaire Gengis Khan. Capitale des sciences et des lettres et bastion de la civilisation de l'époque, Bagdad est dévastée par les guerriers mongols incultes. L'ancien siège du califat est réduit en cendres. “Beit el hikma”, qui regorgeait d'œuvres scientifiques, littéraires et artistiques, est anéanti. Les eaux des deux fleuves traversant Bagdad, le Tigre et l'Euphrate, ont tourné au bleu pendant plusieurs jours par le fait de la dilution de l'encre des milliers de livres jetés à la flotte par les hommes de Hulagu Khan. C'était la chute de la dynastie abbasside et le début de la fin du rayonnement islamique sur le monde. Sept siècles et quarante-cinq ans plus tard, Bagdad est, à nouveau, en proie à un anéantissement dirigé, cette fois-ci, par le chef de la première puissance mondiale, symbole du développement et du progrès scientifique, contrairement aux Mongols, qui avaient l'excuse de l'analphabétisme. George Walker Bush prend la succession peu glorieuse du célèbre chef mongol, réputé uniquement pour ses actes de sauvagerie. Les moyens de destruction, dont dispose, aujourd'hui, le patron de la maison-blanche, décuplent sa responsabilité dans la mise à feu et à sang d'un pays dont le seul tort est d'avoir un président dictateur. Est-ce l'unique Etat de la planète dans cette situation ? Du moment que le président américain avance l'argument de la démocratisation de l'Irak pour justifier l'invasion, pourquoi n'a-t-il rien fait dans ce sens au Koweït, où les femmes n'ont même pas le droit de vote, pays auquel l'armée yankee assure la sécurité depuis 1991, date de la première guerre du Golfe. C'est dire la faiblesse de l'argumentation US pour tenter de donner un semblant de légalité à un renversement de pouvoir d'un pays indépendant. Bush ne s'accommode pas des anciennes pratiques des Etats-Unis, consistant à prêter assistance à une opposition interne militaire ou civile, pour changer le pouvoir en place qui ne sert pas les intérêts de Washington. L'Amérique latine et du sud a constitué le meilleur laboratoire durant la décennie soixante-dix pour la CIA, qui orchestrait les coups d'Etat. Le président américain est partisan de l'usage de la force pour faire plier les récalcitrants à sa politique monopolaire, dont l'objectif est de mettre le monde aux pieds des Etats-Unis. Les Irakiens ont commis la faute d'accepter ou de subir, c'est selon, Saddam Hussein. Avaient-ils vraiment le choix ? C'est le dernier souci du Hulagu Khan des temps modernes, qui ne fait cas ni des pertes en vies humaines, et le chiffre commence à être terrifiant après quatre jours seulement de guerre, ni des dégâts matériels causés à un pays dont le peuple souffre de la misère résultant de l'embargo total imposé par Washington depuis une décennie. Le nombre de victimes qui, selon certaines organisations humanitaires, dépasse les deux millions d'enfants, en raison de l'absence de médicaments de première nécessité, n'a pas suscité la pitié de Bush ou d'un quelconque autre dirigeant de la planète. La haine doublée de sauvagerie, avec laquelle le patron de l'administration américaine mène la guerre, montre si besoin est que son action n'est qu'une revanche sur l'échec retentissant subi par son père sur les mêmes lieux, il y a douze ans. K. A.