Non loin du fleuve se trouvait un terrain que personne n'avait jamais osé défricher, car on disait qu'il appartenait à un génie. Un matin, un homme décida de mettre ce terrain en valeur. On lui conseilla de renoncer à son projet, mais il refusa. Il partit donc avec ses outils. Arrivé sur le terrain, il commença à travailler. — Qui défriche ainsi mon terrain ? interrogea soudain la voix d'un génie qui restait invisible. — Moi ! répondit l'homme. Je voudrais faire un champ à cet endroit. — A qui as-tu demandé l'autorisation ? — A personne, dit l'homme. Le génie fit alors apparaître cent captifs qui aidèrent le paysan. Et en fin de journée, le terrain était entièrement défriché. L'homme rentra dans son village et ne parla à personne de ce qui s'était passé. Quelques jours plus tard, il retourna sur le terrain et mit en tas toutes les broussailles qui avaient été arrachées. — Qui va là ? demanda le génie. — C'est moi ! dit le paysan. — Que viens-tu faire encore ici ? — Poursuivre le travail et brûler tout ce que nous avons arraché. Le génie envoya ses captifs et tout fut brûlé en quelques heures. L'homme rentra ensuite chez lui et attendit la saison de l'hivernage. Dès les premières pluies, il retourna sur le terrain afin de l'ensemencer. — Qui ose fouler mon champ ? demanda le génie. — Moi ! répondit le paysan. — Encore toi ! — Oui. Je vais semer du mil, déclara l'homme. Le génie fit à nouveau apparaître ses cent captifs pour l'aider. Et le champ qui était très étendu, fut rapidement ensemencé. Le mil poussa. Vint le moment où il fallut le protéger des oiseaux. Armé de sa fronde, le paysan lança des pierres et poussa des cris pour effrayer les pillards. — Que se passe-t-il ? demanda le génie. — Rien, dit l'homme. Je fais de mon mieux pour éloigner les oiseaux. Chaque jour, le paysan travaillait seul en attendant que le mil parvint à maturité. Au bout d'une semaine, il tomba malade. Sa maladie n'était pas très grave, mais elle l'empêchait de se rendre jusqu'au champ. Aussi décida-t-il d'y envoyer son jeune fils. — Aujourd'hui, tu vas me remplacer, dit-il à l'enfant. Fais de ton mieux pour éloigner les oiseaux et tâche de ne pas toucher aux tiges de mil. — Oui, dit l'enfant. — Si quelqu'un te demande qui tu es, réponds que tu es mon fils, ajouta le père. L'enfant partit sans attendre. Arrivé dans le champ, il cassa une tige de mil et en suça la sève. elle- était sucrée et il se régala. — Qui est là ? demanda soudain le génie. — Je suis le fils du paysan, expliqua l'enfant. Mon père est malade et il m'a envoyé ici pour le remplacer. — Que fais-tu ? — Je suce la sève d'une tige de mil, répondit l'enfant. Le génie fit alors apparaître ses cent captifs. — Le fils du paysan a cassé une tige de mil, leur dit-il, et il est en train d'en sucer la sève. Aidez-le donc. Les captifs obéirent. Ils étaient très gourmands et en quelques heures il ne resta plus rien dans le champ.