L?efficacité des leçons de morale n?est acquise que si les adultes ? le maître et les parents surtout ? joignent le geste à la parole. Un enseignant qui fume devant ses élèves est mal placé pour parler des méfaits de la cigarette. Que dire de cet autre, chargé d?un cours de morale sur l?honnêteté, et qui n?hésite pas à les «inviter» à acheter des cours de soutien ? Ceux dispensés en classe étant escamotés à dessein. Et ces parents qui offrent au quotidien un modèle de médisance à leurs enfants, en «cassant du sucre» sur le dos de l?enseignant ? Les cas sont nombreux où les principes moraux sont bafoués par ceux censés les appliquer, les transmettre. De drôles d?éducateurs pour de pauvres enfants, adultes en devenir. La société algérienne est plus riche que Crésus en la matière. Ici, deux exemples de contre-morale portés avec ostentation dans l?enceinte sacrée de nos établissements scolaires. Moncef est élève de 3e AF dans une école primaire d?Alger. Pressé par son maître d?école de s?acquitter de l?achat d?un livre «guide de lecture», il ne cesse de bousculer ses parents pour le lui acheter. Ces derniers ont eu beau se démener. En vain ! Le livre est introuvable, raflé en un tour de main par des enfants d?écoles environnantes, eux-mêmes mis, par leurs enseignants, dans l?obligation de l?acheter. Traumatisé, Moncef ne mange plus, ne dort plus. Il a une peur bleue d?aller à l?école, de croiser le regard en colère de son maître, en attente du fameux sésame. Son père décide alors de se renseigner sur ce livre qu?il croyait inscrit dans la nomenclature au ministère de l?Education nationale. Grande fut sa surprise ! Il s?agit d?un livre édité par une maison d?édition privée. Un ouvrage qui ne figure donc pas sur la liste des manuels scolaires, mais qui a pénétré les écoles par la grâce d?une astuce commerciale typiquement algérienne. Soudoyés, des directeurs d?établissement et des enseignants se font un plaisir de solliciter le magot qui dort dans les poches des parents. Une forme de publicité gratuite qui rapporte gros. C?est pour cela que certains éditeurs privés n?utilisent jamais les supports légaux (médias écrits, radio ou TV) pour vendre leurs produits scolaires. Les quatre murs de la classe sont plus rentables qu?un encart de journal. Il suffit de glisser la pièce. Cela nous renvoie aux hommes-sandwich des pays anglo-saxons, ancêtres de la publicité, bien avant l?avènement de la diffusion télévisuelle. En Algérie, nous venons d?inventer un nouveau concept publicitaire : l?école-sandwich.