Il était une fois trois frères dont l'aîné venait de se marier. Au bout de trois mois, il disparut mystérieusement. Le deuxième frère épousa alors sa belle-sœur. Il vécut auprès d'elle durant trois ans et il disparut lui aussi subitement. La veuve était belle. Aussi le troisième frère décida-t-il de l'épouser à son tour, malgré l'avis défavorable de ses parents qui tenaient leur belle-fille pour responsable de la mort de ses deux premiers maris. Le troisième frère prit donc la route pour rejoindre le village où habitait sa belle-sœur. En chemin, il rencontra un vieillard en guenilles qui transportait péniblement un énorme fagot. Ce vieil homme était le père de sa belle-sœur. Il s'était déguisé en mendiant afin que nul ne le reconnût. — Veux-tu que je t'aide à transporter ton bois ? demanda le jeune homme qui avait bon cœur. — Non, répondit le vieillard. — Je tiens à t'aider, dit le jeune homme, car tu es beaucoup trop âgé pour porter une charge aussi lourde. Il prit le fagot. Et les deux hommes cheminèrent côte à côte. — Où vas-tu ? demanda soudain le vieillard. — Jusqu'au prochain village où je compte me marier, répondit le jeune homme. — Te marier ? — Oui, avec une femme qui fut successivement l'épouse de mes deux frères. Comme ils ont disparu, j'ai décidé de l'épouser à mon tour. — Sais-tu dans quelles circonstances tes frères ont disparu ? interrogea alors le vieillard. — Non ! Je n'en ai pas la moindre idée ! — Souhaites-tu connaître les raisons de leur disparition ? — Oui ! s'exclama le jeune homme. — Ton frère aîné longeait un jour un des mes champs, alors que j'étais en train de labourer. Soudain, j'eus une difficulté avec mon attelage. Je l'appelai. Il me regarda et tourna ostensiblement la tête. J'eus beau crier, il ne prêta aucune attention à mes appels. L'attitude de ton frère me surprit vraiment, car je ne lui avais fait jusque-là que du bien. Un homme ne doit-il pas aide et assistance à son prochain ? D'autant plus quand celui-ci est son beau-père. Après cet incident, je voulus en savoir plus sur ton frère aîné. Je m'arrangeai pour le mettre encore à l'épreuve à deux reprises. Il ne manifesta à mon égard qu'indifférence et mépris. Aussi décidai-je de l'éloigner de ma fille. Et je le transformai en crapaud. Il eut tellement honte de sa nouvelle apparence qu'on ne le revit jamais. Ton second frère me sembla plus intéressant que l'autre. Mais je finis par m'apercevoir qu'il n'était pas vraiment différent de l'aîné. Je le mis lui aussi à l'épreuve. Il ne valait pas mieux ! Je le transformai alors en fourmi. Lorsque j'appris que tu allais à ton tour épouser ma fille, j'éprouvai une certaine crainte. Et je décidai de te mettre à l'épreuve avant le mariage. C'est la raison pour laquelle je me trouvai sur ton chemin, vêtu de loques et le dos courbé sous une énorme charge. Tu as eu pitié en me voyant et tu n'as pas hésité à m'aider. J'en déduis que tu es bon et serviable. Je vais donc te laisser épouser ma fille et vivre tranquillement avec elle. Après la noce, je vous donnerai une grosse partie de ma fortune, car on n'a plus besoin de grand-chose à mon âge. Le jeune homme épousa sa belle-sœur et tous deux vécurent heureux.