L'Algérie a raté l'occasion d'engager une dynamique de changement profonde du système sclérosé et décrié par tout le monde depuis de longues années. L'après octobre 1988 a permis tous les espoirs et tous les rêves de la deuxième République fondée sur l'Etat de droit, la liberté, la compétence et la justice. Les contradictions historiques du système ont fini par hypothéquer les chances d'une dynamique de changement salutaire pour la nation et l'Etat, lorsque les tenants du pouvoir en 1991 ont opté pour une stratégie visant à pérenniser le système par la voie des urnes. La victoire du FIS à mis à nu les intentions de la nomenklatura et de l'Establishment qui n'ont pas tardé à recourir aux méthodes du parti unique afin de légitimer l'arrêt du processus électoral et la mise au placard de la démocratie naissante au nom de la préservation de l'Etat républicain qui n'en est pas un. Après une dizaine d'années de sang, de douleurs et de dislocation sociale, de crise identitaire, de bradage économique et de désert culturel, la venue de Bouteflika au pouvoir a suscité l'espoir de la stabilité et de la paix. Pendant ses deux premiers mandats et après avoir permis un retour progressif à la paix, Bouteflika s'est attelé à assoire son pouvoir refusant d'être un «président à trois quart». Les observateurs pensait que le fait que Bouteflika ne voulait pas être un président pour la forme, était un signe avant coureur sur sa volonté de réformer le système en profondeur pour en finir avec le système rentier et jacobin. Jouissant d'un large soutien populaire qui le dispensait de recourir à la clientèle classique du régime, Bouteflika a néanmoins été lors des trois mandats précédents, le candidat du pouvoir avec comme soutien l'alliance des trois partis du pouvoir, le FLN, le RND et le MSP avant que ce dernier ne se retire de la troïka croyant que le printemps arabe allait le porter au pouvoir. La reconduction du clientélisme a favorisé ainsi le développement de la corruption et les malversations aggravant l'autoritarisme du régime et mettant à nu la dépendance du système judiciaire et sa soumission à l'exécutif. Quant au Parlement, il n'a aucun contrôle effectif sur le pouvoir exécutif lui-même concentré entre les mains du président de la République, notamment après la révision de la Constitution de 2008. Ainsi, même les observateurs étrangers ont relevé la nature nébuleuse et opaque du régime algérien qui ne favorise ni l'émancipation sociale, ni le développement économique. Pour le New York Times, «l'Algérie est un pays obscur et difficile à cerner.» Dans un reportage, le quotidien américain a analysé les dessous de la situation politique et les coulisses des arcanes du régime algérien. Intitulé «Politiquement à la dérive, l'Algérie s'accroche à ses vieux démons», le reportage du New York Times explique que l'Algérie est un pays «bloqué dans un état de limbes». Un blocage qui s'explique en partie par la nature ténébreuse du régime algérien. Un régime qui n'est guère guidé par un seul homme, constate le quotidien américain. «L'Algérie n'est pas dirigée par un seul homme, mais par une poignée de personnes aux intérêts conflictuels», indique encore le New York Times qui ne manque pas de plancher sur l'état de santé du président de la République, Abdelaziz Bouteflika. A ce sujet, le prestigieux américain relève qu'«en dehors d'un cercle étroit, personne n'est même pas sûr s'il parle encore». Ceci dit, même si Bouteflika se rétablit et poursuit un quatrième mandat, cela n'assurera pas pour autant la stabilité pour le régime algérien, analyse le New York Times qui se demande «combien de temps peut-on continuer à acheter la paix sociale sans changement politique?». Signalons enfin que le New York Times estime que l'Algérie se dirige vers «l'implosion» car son régime est composé de plusieurs centres de décisions hétéroclites. The Economist Intelligence Unit classe pour sa part, classe l'Algérie parmi les 50 régimes les plus autoritaires au monde. En effet, au cours de l'année 2012, l'Algérie n'a pas affiché des signaux qui témoignent d'une réelle ouverture démocratique. Notre pays, selon le rapport international de ce centre de recherche de la célèbre revue britannique The Economist, l'Algérie est classée à la 118e place sur 167 pays passés à la loupe par l'Indice de la démocratie. L'Algérie fait partie ainsi des régimes autoritaires où l'indépendance de la Justice n'est toujours pas garantie et où les élections ne sont ni libres ni équitables. Les libertés civiles sont violées et les médias appartiennent généralement à l'Etat ou sont contrôlés par des groupes liés au régime en place, a souligné le rapport qui a suivi le classement mondial dressé par The Economist Intelligence Unit. Ce dernier n'hésite pas aussi à mettre en exergue «la répression de la critique du gouvernement et la censure» qui «sont omniprésentes». A cause de toutes ces tares, l'Algérie se retrouve devancée dans ce classement international par le Mali, Haïti, le Bostwana, la Zambie ou le Sénégal. Dans le monde arabe, l'Algérie n'arrive même pas à talonner le Maroc, l'Egypte, la Tunisie ou la Mauritanie. Ces pays sont considérés comme étant des «régimes hybrides» en transition d'un régime autoritaire vers la démocratie. Ce qui n'est pas encore le cas de l'Algérie en dépit de toutes les réformes promises par les autorités politiques. Globalement, l'Algérie récolte uniquement 3,83 sur une note maximale de dix. C'est dire que de nombreux efforts doivent être fournis pour remettre l'Algérie sur les rails de la démocratisation... Les défis du prochain quinquennat Face à ce constat, la campagne électorale qui débutera officiellement le 23 mars prochain se focalisera sur la rupture radicale comme thème générique aussi bien au plan politique et institutionnel, qu'économique et générationnel. C'est du moins ce qui ressort des interventions publiques des différents candidats déclarés qui déversent leurs critiques contre le régime et ses représentants. Pour la majorité de ces postulants à la magistrature suprême, il y a lieu de nettoyer les écuries d'Augias en urgence avant de s'attaquer aux questions économiques qui cumulent un retard immense. Tous les candidats à la présidence de la République qui se sont déclarés à ce jour, s'inscrivent dans une perspective économique libérale car, estiment-ils, le système rentier fait le lit de la corruption, du clientélisme et empêche l'économie productive de prendre racine tant l'affairisme pollue le monde des affaires. La moralisation de la vie politique ne peut se faire que si l'Etat cesse d'intervenir dans le domaine économique selon eux. A ce titre, la privatisation des entreprises publiques non stratégiques et les banques est le seul moyen de tarir les sources de la corruption et des malversations et par ricochet, mettre un terme au clientélisme dominant. Si le régime fait du souverainisme économique un alibi pour maintenir sa mainmise sur l'économie rentière, les ultralibéraux en herbe font de la moralisation de la vie politique un cheval de Troie pour brader les ressources du pays et son économie qui reste à construire. Cependant, l'urgence pour ces candidats outsiders, est la séparation des pouvoirs, afin de clarifier les responsabilités et de permettre à chacun des trois pouvoirs de jouer son rôle et d'exercer ses prérogatives. Ainsi, l'indépendance de la justice est au cœur des préoccupations comme une nécessité absolue pour la crédibilité de l'Etat et de ses institutions. A ce propos, le constat sur l'état du système judiciaire algérien est général y compris chez l'opinion publique nationale qui estime que la justice est au service des plus forts. Si la justice était indépendante, la corruption et les dépassements n'auraient jamais atteints ce niveau alarmant. C'est ce qui explique le refus des partis politiques et de certains candidats de la révision de la Constitution avant la tenue de la présidentielle d'avril prochain, afin que le prochain Président élu puisse le faire en ayant le temps et la légitimité requise pour une refonte profonde du système politique qui devrait fonder une nouvelle République. Jusqu'à aujourd'hui, plusieurs personnes ont exprimé leur volonté de briguer le mandat présidentiel. La première personne qui a annoncé sa candidature est Ahmed Benbitour, l'ex-chef du gouvernement, suivi d'Ali Benouari, l'ex-ministre délégué au Budget à l'époque du gouvernement de Sid Ahmed Ghozali, résidant en Suisse qui dit avoir renoncé à sa nationalité suisse et ceci, par voie de presse. Le troisième candidat est un franco-algérien, Rachid Nekkaz en l'occurrence, qui avait été impliqué dans une tentative de corruption en France. Arrêté et condamné à la prison, il a purgé douze jours en taule. Le quatrième candidat, n'est autre que Kamel Benkoussa, un franco-Algérien vivant à Londres, inconnu de la scène politique, économiste financier qui prépare depuis plusieurs mois sa candidature à la présidentielle algérienne. Le cinquième candidat dont l'annonce de sa candidature a été rendue publique, il y a plus de trois mois et officialisée samedi dernier, est le président du parti de Jil jadid, Sofiane Djilali. Arrivant au candidat surprise de la prochaine élection présidentielle, c'est l'écrivain algérien Yasmina Khadra de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, président du Centre culturel algérien (CCA) à Paris dont l'annonce a été faite avant-hier et qui se dit prêt à déposer sa candidature pour briguer un mandat présidentiel. Ce dernier a exclu toute éventuelle caution d'un parti politique avant d'affirmer qu'il est capable de «récolter les signatures nécessaires». La loi électorale exige, en effet, des candidats indépendants de récolter au moins 75 000 signatures d'électeurs à travers au moins 25 wilayas où 1 500 signatures sont exigées, au minimum, dans chacune des wilayas. Moussa Touati du FNA et Mokri du MSP sont prêts à se porter candidats, alors que Hannoune attend les décisions du comité central du PT. Enfin, Benflis devra annoncer demain sa candidature, en attendant que d'autres prétendants potentiels se manifestent. A. G.