Cours de soutien, leçons particulières ou préparation des examens de fin d'année, à chaque enseignant sa formule pour vanter les mérites d'un système scolaire parallèle qui échappe à tout contrôle. En fin de journée ou durant les week-ends, deux à trois fois par semaine, des enseignants donnent des séances de rattrapage payantes aux élèves intéressés, pour soi-disant les aider à se perfectionner en prévision des examens de fin d'année scolaire. Pour cela, le pédagogue loue un garage ou une cave en ville où il officie clandestinement. Ce phénomène, qui passe aujourd'hui pour une mode bien établie parmi les lycéens et les collégiens, dure depuis au moins six ans devant le silence et le laxisme des pouvoirs publics. Au mois d'octobre dernier, l'ex-ministre de l'Education nationale, avait tenté, sans succès, de mettre fin à cette «pratique intolérable». Dénonçant l'«anarchie et le désordre» engendrés, Abdelatif Baba Ahmed déclarait, alors, que les cours particuliers avaient «des répercussions négatives sur la scolarité de l'élève». Evitant de se prononcer clairement sur le sujet, les syndicats du secteur enclenchent immédiatement un mouvement de grève générale, en remettant sur le tapis une série de revendications sociales, dont la hausse des salaires et la retraite après 25 ans de service. L'arrêté ministériel interdisant les cours particuliers a été ensuite retiré. Chaque année, l'école algérienne perd, en moyenne, deux mois en débrayages et protestations diverses. Les cours «parallèles» apparaissent alors comme l'unique moyen pour rattraper le retard et suivre la cadence infernale des cours accélérés. À Béjaïa, la quasi-majorité des enseignants recourent à ce procédé pour arrondir leur fin de mois. À raison d'une cotisation individuelle de 2 500 dinars par mois, un professeur qui encadre ainsi une vingtaine d'élèves se fait une deuxième mensualité de 50 000 dinars nets d'impôts. N'étant pas réglementée et échappant à tout contrôle, cette activité risquée n'honore pas les pédagogues qui l'exercent. Ces derniers, ne s'encombrant pas de bons procédés moraux, y voient une aubaine pour se faire de l'argent en plus. «Il est vrai que cela me permet de gagner un peu plus, même si l'activité, en elle-même, est illégale. Je dois cependant dire que les élèves démunis sont généralement pris en charge gratuitement», souligne Sadek, un prof de physique. Les parents d'élèves, constatant l'insuffisance des cours dispensés en classe, accèdent à la demande de leurs enfants sans trop s'attarder sur les risques encourus. «J'accepte de payer des cours supplémentaires de maths à mon fils, rien que pour lui faire plaisir. Çà lui plait mieux que le soutien que je lui propose, moi-même, à domicile. Une simple question d'ambiance, me semble-t-il», explique Saci, enseignant de mathématiques au lycée. Les autorités, à commencer par la police et les services de la répression des fraudes, tolèrent cette pratique pour ne pas «fâcher» les syndicats. Les établissements privés y voient comme une concurrence déloyale. Cette situation nuit tellement à l'image de l'enseignant et à celle l'école. Tous les partenaires en sont responsables. La tutelle doit absolument examiner ce problème en concertation avec tous les syndicats du secteur. Les parents d'élèves sont aussi appelés à bien considérer les dangers encourus (insécurité, manipulations diverses...) avant de consentir à «payer». Dans l'absolu, tout le monde désapprouve cette façon de faire, mais dans les faits on ne s'accorde pas encore sur la voie à suivre pour s'en sortir. Faut-il interdire carrément cette activité ou l'encadrer par une loi ? La question reste posée. K. A.