Epuisés par trois années de troubles depuis le renversement d'Hosni Moubarak en 2011 après près de 30 années de présidence, les Egyptiens ont élu Abdel Fattah al-Sissi fin mai à la quasi-unanimité (97% des suffrages). Mais moins de la moitié des électeurs se sont rendus aux urnes. D'importantes mesures de sécurité ont été prises pour la cérémonie d'investiture. Des chars et des véhicules blindés étaient stationnés aux endroits stratégiques de la capitale pendant que Al-Sissi s'adressait aux délégations étrangères. «Le temps est venu de bâtir un avenir plus stable», a déclaré le Président égyptien, le cinquième à être issu des rangs de l'armée. Mohamed Morsi a été le seul civil à diriger le pays depuis le coup d'Etat des «officiers libres» en 1952. «Mettons-nous au travail pour établir les valeurs du droit et de la paix», a-t-il ajouté. L'émir du Koweït, le roi du Bahreïn, les princes héritiers d'Arabie saoudite et d'Abou Dhabi ont assisté à la prise de fonction du nouveau président, selon la liste fournie par les services de la présidence égyptienne. L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït ont fourni à l'Egypte une aide financière importante après le renversement de Mohamed Morsi. Par contraste dimanche, les Etats-Unis n'avaient envoyé à la cérémonie d'investiture qu'un conseiller du secrétaire d'Etat John Kerry. La plupart des pays européens avaient fait savoir qu'ils n'enverraient que leurs ambassadeurs. Les manœuvres diplomatiques apparaissent toutefois comme un problème secondaire pour le nouveau président face à l'insurrection islamiste qui fait fuir les touristes et prive l'économie égyptienne de son traditionnel moteur. Selon les prévisions officielles, l'Egypte devrait afficher une croissance de 3,2% pour l'exercice qui commencera le 1er juillet, soit nettement moins que les niveaux requis pour créer suffisamment d'emplois pour faire reculer la pauvreté. Nombre d'Egyptiens, qui espèrent que leur nouveau président sera en mesure de remettre l'économie sur les rails, préfèrent pour le moment fermer les yeux sur les nombreuses violations des droits de l'homme qui ont entaché la période de transition après le renversement de Mohamed Morsi. Près de la place Tahrir, lieu de ralliement des opposants lors du soulèvement contre Hosni Moubarak, de jeunes hommes vendaient des T-shirts à l'effigie du président Sissi portant ses traditionnelles lunettes de soleil. Non loin de là, des affiches de Sissi ont cependant été barbouillées de peinture rouge symbolisant le sang que ses adversaires, Frères musulmans en tête, l'accusent d'avoir sur les mains. Certains des partisans du chef de l'Etat se disent conscients du fait que celui-ci devra obtenir rapidement des résultats sous peine de voir le pays s'enflammer à nouveau. «S'il échoue, il n'aura plus aucune légitimité pour occuper ce poste et il devra rejoindre les autres (ex-présidents) en prison», affirme Kamal Mahmoud, 25 ans, qui travaille dans une crèche de la capitale. «Sissi était notre meilleure option pour la présidence, même si je suis inquiet pour les libertés», ajoute Mohamed Ahmed, 26 ans, employé dans une entreprise du secteur privé. «J'espère qu'il va entendre mon inquiétude et agir pour le bien du pays.» Les pays occidentaux, qui avaient espéré que le renversement d'Hosni Moubarak en février 2011 ouvrirait la voie à la démocratie, n'en n'ont vu que les balbutiements. À peine arrivé au pouvoir en juin 2012, l'islamiste Mohamed Morsi a été accusé d'incompétence économique et de vouloir imposer les vues sur l'islam des Frères musulmans dont il était issu. Malgré ses dénégations, il a été déposé le 3 juillet 2013 par Abdel Fattah al Sissi. Devenu le numéro un de fait, le général devenu par la suite maréchal a lancé une vaste répression contre les Frères musulmans, une des plus dures connue par cette confrérie fondée en 1928. Des centaines de personnes ont été tuées lors de la répression de grandes manifestations et des milliers ont été mises sous les verrous. Des représentants de l'opposition laïque, y compris des personnes favorables à l'éviction de Mohamed Morsi, ont eux aussi été emprisonnés dans le cadre des nouvelles dispositions qui limitent fortement le droit de manifestation. R. I.