Dans une conférence de presse qu'il a animée hier à la Cour d'Alger, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, a fait beaucoup d'annonces dont principalement celles liées à une «réforme profonde» du ministère public et la mise en place de nouvelles procédures qui garantissent la protection des témoins et dénonciateurs dans les affaires de criminalité. En ce qui concerne le premier point, il est annoncé que le Parquet va bénéficier de nouveaux mécanismes et de moyens modernes qui lui permettront d'exercer ses missions de direction de l'action publique en s'impliquant davantage et en prenant l'initiative dans le déclenchement et la conduite de l'enquête préliminaire. Le ministre a commencé par dire que le Parquet connaîtra une «réforme profonde» avant d'expliquer que cette réforme qui vise à lui permettre de contribuer à l'élaboration de la politique pénale nationale, «sera menée dans le strict respect de la loi et des dispositions garantes des libertés individuelles et collectives et des droits fondamentaux du citoyen». Il a ajouté que pour réussir cette réforme, il sera procédé au «renforcement des pouvoirs hiérarchiques de l'autorité judiciaire sur la Police judiciaire». Et c'est le renforcement de l'influence du pouvoir judiciaire sur la Police judiciaire qui va nécessiter la mise en place de nouveaux mécanismes afin que le Parquet puisse dorénavant gérer l'action publique en s'impliquant davantage et en prenant l'initiative dans le déclenchement et la conduite de l'enquête préliminaire. «Ainsi en sera-t-il par exemple des cas de violation du respect de la propriété intellectuelle», a souligné le ministre. Ce dernier qui a reconnu qu'il n'était pas facile de réformer la justice, a tenu cependant à afficher sa détermination de réformer le ministère Public. Il a expliqué que, désormais, avec la révision du code de procédure pénale, les procureurs seront tenus de tout contrôler dès le commencement de l'enquête. «Les procureurs se doivent, quand ils ont connaissance d'une affaire, de s'autosaisir et d'enclencher l'action publique. Il faut rendre sa force au pouvoir de la loi», a dit fermement le ministre. Revenant sur les nouvelles mesures liées à la justice pénale, le ministre a annoncé que ces dernières visent essentiellement à réduire la surcharge qui pèse sur les tribunaux par la mise en place de «nouvelles procédures garantissant la protection des témoins et dénonciateurs dans les affaires de crime organisé et de corruption et à rendre enfin la riposte pénale plus dissuasive, tout en garantissant la présomption d'innocence et les droits de la défense». Et à ce propos, le ministre qui a rappelé que la révision du code de procédure pénale sur laquelle se penche actuellement une commission de son département, va toucher le problème de la détention préventive, a insisté sur la nécessité pour les juges de respecter le principe de présomption d'innocence. Tayeb Louh a, par la suite, évoqué les projets de lois concernant son secteur qui ont été adoptés le 27 août dernier par le Conseil des ministres. Il s'agit de celui relatif à la répression de la violence à l'encontre des femmes, la protection des enfants, celui relatif à la création d'un fonds de pension alimentaire, et enfin le projet de loi concernant la signature électronique. Le ministre de la Justice a ainsi annoncé l'affectation d'un montant initial d'un milliard de dinars, au titre de la loi de Finances 2015, au fonds de pension alimentaire destiné aux femmes divorcées, en particulier, et à celles exerçant le droit de garde de leurs enfants, en général. Sur cette question, Tayeb Louh a reconnu que «la réalité dans la société algérienne montre qu'un grand nombre de jugements à l'encontre des débiteurs de la pension alimentaire n'ont pas été exécutés». En ce qui concerne les enfants mineurs coupables de délit et dans le cadre de la réforme, le garde des Sceaux a annoncé que ces derniers «seront auditionnés dans l'enquête préliminaire en présence de leur avocat». Le ministre n'a pas manqué de rappeler à ce sujet la création prochaine d'un organe national de la protection et de la promotion de l'enfance. Tayeb Louh a parlé également de la modernisation de la justice afin de simplifier la relation du citoyen avec cette institution. Il sera ainsi possible prochainement de se faire communiquer des actes judiciaires et autres documents ainsi que les notifications par voie électronique. Il sera également possible de recourir à la visioconférence dans l'interrogatoire, l'audition et le témoignage. Tayeb Louh a souligné, par ailleurs, qu'une réforme de la formation des magistrats sera incessamment entamée pour leur permettre la spécialisation et faire face au crime transnational. Il a enfin précisé que les multiples chantiers de réforme de la justice qui sont prévus «connaissent actuellement une impulsion nouvelle pour atteindre les objectifs tracés à travers les recommandations de la Commission nationale de la réforme de la justice et le Plan d'action du gouvernement. Cette impulsion permettra de replacer plus que jamais la justice, en tant qu'institution fondamentale de l'Etat, dans sa fonction sociale et dans son rôle de garante constitutionnelle de l'exercice des libertés publiques individuelles et collectives, en la dotant de tous les moyens légaux, humains et matériels pour remplir pleinement sa mission». H. Y. Rafik Khalifa, Albert Ebossé : les réponses de Tayeb Louh À une question sur une éventuelle libération de Abdelmoumène Khalifa, le ministre de la Justice, Tayeb Louh, a indiqué hier qu'une réforme profonde du code de procédure pénale avait été opérée, y compris au volet de la limitation des cas de détention provisoire, estimant que «l'accusé ne peut, en aucun cas, même dans cette affaire, rester incarcéré pendant plusieurs années sans être jugé». Concernant l'affaire de l'assassinat du joueur camerounais de la JSK, Albert Ebossé, le ministre a indiqué avoir donné «des instructions sévères au parquet pour suivre les enquêtes préliminaires». Il a expliqué que «ce n'est pas uniquement celui qui a jeté le projectile qui sera puni, mais tous les responsables qui n'ont pas pris les mesures de protection». Il a ajouté que tous ceux qui sont définis par la loi comme responsables seront poursuivis en justice. «La Cour suprême doit retrouver sa vocation première» Le ministre de la Justice a déclaré hier que le nombre d'affaires soumises à la Cour suprême s'élevait à 257 000 affaires, ajoutant qu'une réflexion avait été engagée pour trouver une «solution définitive» à cette problématique. Le volume considérable des affaires pendantes devant la Cour suprême fait d'elle «un troisième degré de juridiction», a précisé M. Louh. L'accumulation des affaires au niveau de cette instance judiciaire constitue un «grand problème qui n'est nullement lié au niveau des magistrats», a expliqué le ministre. Il a dans ce sens souligné la nécessité de prendre des mesures et d'opérer des réformes pour que la Cour suprême retrouve sa vocation première, celle d'une instance juridique et non d'un degré de juridiction. H. Y.