Après avoir réduit en miettes des trésors archéologiques dans le musée de Mossoul (Nord) la semaine dernière et mis le feu à sa bibliothèque, des hommes de l'EI sont entrés, jeudi dernier, avec des bulldozers dans Nemroud, joyau archéologique inestimable du nord de l'Irak, selon le ministère irakien du Tourisme. Le gouvernement irakien a condamné cette destruction dans un communiqué. Le ministère du Tourisme et des Antiquités «condamne ces actes criminels et invite le Conseil de sécurité des Nations unies à se réunir rapidement pour ce cas d'urgence», souligne le communiqué. Nemroud est une cité fondée au 13e siècle avant JC, située sur les rives du Tigre à quelque 30 km au sud-est de Mossoul. Elle est l'une des villes phares de l'empire assyrien, où ont été exhumés en 1988 plus de 600 bijoux, décorations et pierres précieuses. C'est l'une des plus importantes découvertes archéologiques du XXe siècle. Cette destruction relayée par les agences et les médias du monde entier, a déclenché des réactions dans le monde à l'instar de l'ONU, l'Unesco, la Maison-Blanche, le gouvernement irakien et des institutions religieuses musulmanes. La directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, avait dénoncé dès jeudi «un crime de guerre» et en avait appelé au Conseil de sécurité de l'ONU et à la Cour pénale internationale. Dans un communiquée publié sur le site officiel de l'Unesco, elle s'insurge et écrit : «Nous ne pouvons pas rester silencieux. La destruction délibérée du patrimoine culturel constitue un crime de guerre, et j'en appelle à tous les responsables politiques et religieux de la région à se lever contre cette nouvelle barbarie.» Cette destruction a également fait réagir Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui a fermement condamné la destruction de Nemroud, la qualifiant de crime de guerre. Il a exhorté les dirigeants religieux et politiques de la région à «élever la voix pour dénoncer ces attaques inacceptables». Il a affirmé dans un communiqué que «la destruction délibérée de notre héritage culturel commun constitue un crime de guerre et une attaque contre l'humanité dans son ensemble». L'EI justifie ces destructions en arguant que les statues favorisent l'idolâtrie. Mais selon plusieurs experts, les «idoles» si vivement dénoncées dérangent moins les djihadistes lorsqu'il s'agit de les vendre au marché noir. Ce sont les statues trop imposantes pour être transportées aisément qui sont détruites. Du point de vue de la religion musulmane, de hautes autorités musulmanes ont condamné la destruction de l'antique cité Assyriennes. Ainsi, le grand ayatollah Ali al-Sistani, la plus haute autorité chiite de l'Irak, a estimé que ces destructions étaient la preuve «de la sauvagerie, de la barbarie et de l'hostilité (des djihadistes) pour les Irakiens», dans un prêche prononcé par un assistant à Kerbala, dans le centre de l'Irak. De même, l'une des plus prestigieuses institutions de l'islam basée en Egypte, Al-Azhar, a qualifié, vendredi dernier, de «crime contre le monde entier la destruction par le groupe autoproclamé Etat islamique (Daech/EI) de la cité antique de Nemroud dans le nord de l'Irak». «Ce que l'organisation terroriste Daech est en train de faire en détruisant des monuments dans les territoires qu'elle contrôle en Irak, Syrie et Libye est un crime majeur contre le monde entier», a déploré cette institution. Aussi, Al-Azhar a-t-elle appelé à «éradiquer les éléments de ce groupe» et à «sauver les nations arabes et islamiques de leurs diables», ajoutant que «les destructions de monuments étaient interdites par la charia, la loi islamique». Certes, la communauté internationale a fermement condamné les destructions, mais elle semble cantonnée au rôle d'observateur, s'est désolé Stuart Gibson, expert à l'Unesco. «A l'heure actuelle, les populations sont épuisées et terrifiées. Et nous n'avons pas d'autre choix que (...) de regarder, désespérés», face à l'impuissance de la communauté internationale, dira-t-il à propos de la destruction par les djihadistes du patrimoine de l'Irak. Mais les populations locales, en première ligne, peuvent s'y opposer, estime Nada Al Hassan, responsable de la région arabe au centre du patrimoine de l'Unesco. Elle rappelle que les habitants de Mossoul ont formé une chaîne humaine l'été dernier pour empêcher les djihadistes de détruire un minaret du XIIe siècle à la forme légèrement inclinée et emblématique de la ville, appelé le Bossu, après le dynamitage devant une foule de la tombe du prophète Younès (Jonas), le 24 juillet dernier. Elle estime que «les populations locales ont encore un rôle à jouer et c'est le dernier bastion». S. B./Agences