Jeudi dernier, le 19 mars, date anniversaire de la signature des Accords d'Evian, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s'est adressé au peuple algérien par un long discours rappelant les sacrifices des martyrs de la guerre de Libération nationale et rendant hommage à ceux qui œuvrent présentement à la construction et au développement du pays. Ceux aussi qui veillent à la préservation de l'unité nationale et de l'intégrité territoriale, à leur tête les corps constitués, principalement l'Armée nationale populaire, a-t-il souligné. A partir de Ghardaïa qui a abrité les festivités officielles, le chef de l'Etat a longuement insisté sur l'importance de cette date symbolique parce qu'elle marque l'indépendance d'un peuple engagé dans la lutte contre le colonialisme et attaché à la patrie et aux intérêts de cette même patrie. Il a salué ce peuple pour son engagement dans la voie de la fraternité et de l'unité nationale. Dans ce discours, lu par son conseiller Benamar Zerhouni, le président Bouteflika s'en est aussi pris à des parties internes, les accusant de tentatives de déstabilisation du pays. Ces «forces de division et de discorde», a-t-il dit, font dans «la politique de la terre brûlée». Partant, il met en garde «le peuple» et «les forces vives de la nation» contre ces parties «nocives» et appelle à la «consolidation d'un front intérieur» pour y faire face. Non sans menacer d'aller vers plus de «rigueur et de fermeté», en tant qu'Etat pour justement «défendre l'Etat» et «les intérêts du peuple et de la patrie». Le Président a cité l'opposition politique, voire une certaine presse, d'être en partie responsable des drames qui surviennent dans le pays, notamment dans les deux localités du Sud, Ghardaïa et In Salah. Dans ce discours, le chef de l'Etat se montre à la fois rassurant quant au développement socioéconomique du pays mais aussi menaçant. Cette sortie du président Bouteflika ne manquera pas de susciter de vives réactions, notamment au sein des partis de l'opposition. «Les vaillants fils de cette nation doivent se mobiliser et s'unir pour renforcer le front intérieur, afin de parer aux risques qui guettent, à l'heure actuelle, notre région qui grouille de troubles et de menaces», écrit le président Bouteflika. A ce propos, dira-t-il, «je suis particulièrement affligé de voir des enfants de la région poussés à nuire à l'Etat de leur pays, et de constater que d'autres tendent à mettre en doute le dévouement et l'intégrité des dirigeants de leur Etat, et à s'inscrire en faux contre le bien-fondé de leurs actions, décisions et plans conçus pour réaliser le développement du pays dans son ensemble». Appelant donc à la mobilisation de tous pour faire face aux menaces, le Président poursuivra à l'adresse des populations qu'il considère être directement concernées par ces menaces et leur dira : «Je vous sais suffisamment patriotes et jalousement attachés à la patrie et à ses intérêts, suffisamment imbus de civisme pour aller dans ce sens. Je suis pleinement convaincu que des horizons prometteurs s'ouvrent devant notre grand Sud grâce à ce qui vous anime de résolution, de cœur à l'ouvrage et grâce à vos capacités reconnues et éprouvées de transcender les difficultés, relever les défis et gagner les enjeux.» «Vous êtes imbus d'un sens de l'honneur qui ne peut s'accommoder d'un asservissement de votre patrie, d'une fierté qui lui refuse d'être bafouée ou d'être la proie de ses ennemis lorsque ses enfants se laissent aller à la désunion et qu'ils se dispersent en factions.» Revenant sur les évènements de Ghardaïa, le chef de l'Etat affirmera son rejet de «toute discrimination entre un Algérien et un autre, entre un Malékite et son frère Ibadite». Insistant davantage sur ce problème qu'il ne considère pas minime, il dira : «Mon attachement à l'unité de la nation algérienne n'a d'équivalent que mon attachement à l'intégrité territoriale de notre pays. Et je n'éprouve aucune aversion qui puisse surpasser celle que j'ai pour la division des enfants de l'Algérie et pour le fanatisme racial, religieux ou régional, d'où qu'il vienne.» Se voulant rassurant pour tous les habitants de la région et autres, il terminera par dire l'engagement de l'Etat algérien à «poursuivre ses efforts et à ne rien épargner pour rétablir le calme dans la région de Ghardaïa tout entière. L'Etat mobilisera tous les moyens et capacités nécessaires pour ce faire. Il va résolument de l'avant dans sa politique tendant à généraliser le développement à travers tout le territoire national. Il est décidé à extirper le pays de son sous-développement résiduel». Et pour ce qui est de l'épineuse question de l'exploration du gaz de schiste dans la région d'In Salah, à l'origine des mouvements protestataires qui persistent malgré les assurances, le Président a tranché pour le maintien de cette option, tout en assurant les populations locales de la préservation de leur santé et de l'environnement. «C'est en gardant, en permanence, à l'esprit que nul n'a le droit et ne peut se permettre d'agir d'aucune manière pouvant attenter aux intérêts des citoyens, à l'écologie et à l'intégrité géologique de quelque zone territoriale que ce soit, que nous avons entrepris, sur la base de certitudes irréfragables, éprouvées et vérifiées, d'engager les travaux d'exploration et d'évaluation, uniquement, des potentialités du pays en gaz de schiste», a-t-il écrit. Et de poursuivre : «Nous nous conformerons à cette option jusqu'au bout.» Le Président argue du fait que «sans une connaissance suffisante des potentialités de notre sous-sol en gaz et en pétrole et gaz de schiste, il ne nous sera pas possible de planifier les étapes futures du développement de notre pays». Affirmant que «In Salah est la prunelle de nos yeux», Abdelaziz Bouteflika relancera son appel à la population de la région pour «privilégier la sagesse et à faire prévaloir la raison», assurant, encore une fois, que «la préservation de la santé des citoyens et de leur environnement est la ligne rouge que ni l'Etat ni nulle autre partie ne peut franchir». K. M.