Une véritable évolution qui fera assurément mouvoir les pions sur le grand échiquier des relations internationales. Les réactions ne se sont pas faites attendre. De Washington à Moscou en passant par Bruxelles, les dirigeants du monde entier ont salué l'accord en y voyant «la chance d'une nouvelle ère dans les relations internationales». La France, qui a été parmi les parties réticentes à un accord, a espéré qu'avec cette entente «un certain nombre de crises puissent être résolues plus facilement». À l'inverse, Israël, en possession de centaines d'ogives nucléaires, a immédiatement dénoncé une «erreur historique». La déception du Premier ministre israélien quant à l'accord en dit long sur la «victoire» de l'Iran dans un bras de fer qui a failli à plusieurs reprises basculer dans la guerre. C'est la première fois qu'un accord survient à ce niveau entre l'Iran et les Etats-Unis depuis la rupture de leurs relations diplomatiques en 1980. Incontestablement, ce dénouement marque un succès majeur pour le président iranien, Hassan Rohani. Pour Barack Obama également. Deux semaines après la réconciliation avec Cuba, le Président démocrate marque d'une nouvelle pierre blanche diplomatique la fin de son dernier mandat. L'entente a été arrachée à l'issue de deux ans de tractations, dont le dernier round s'est tenu sans interruption à Vienne ces 18 derniers jours. Un final d'une longueur sans précédent. Les négociations entre l'Iran et le groupe dit des P5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) ont été prolongées à plusieurs reprises en raison de blocages chaque fois résolus in extremis. L'accord final confirme les grands principes convenus à Lausanne en avril dernier. Téhéran s'engage à réduire ses capacités nucléaires (centrifugeuses, stock d'uranium enrichi...) pendant plusieurs années et à permettre aux inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) de procéder à des inspections à des niveaux acceptables. En échange, l'Iran bénéficiera progressivement d'une levée des sanctions occidentales adoptées depuis 2006 par les Etats-Unis, l'Union européenne et l'ONU. L'accord devrait être entériné par le Conseil de sécurité de l'ONU. Les premières sanctions pourront être levées à partir du premier semestre 2016. L'interdiction du commerce des armes a été reconduite pour cinq ans, sauf autorisation spécifique du Conseil de sécurité. La demande de l'Iran, soutenue par Moscou, de lever cet embargo a été un des principaux points d'achoppement des discussions. L'aspect économique transparait en filigrane dans cet accord historique. Les milieux économiques se tiennent prêts à revenir dans ce pays de 77 millions d'habitants, qui dispose des quatrièmes réserves de brut au monde et des deuxièmes de gaz. L'Iran, un pays de l'Opep, pourra à terme exporter à nouveau librement son brut. Les Iraniens, qui ont élu Hassan Rohani à la présidence en 2013 sur la promesse de levée des sanctions, attendaient un tel accord avec impatience. Mais les parties réfractaires à cet accord n'hésiteront pas à le faire ralentir voire dérailler. A Washington, l'accord doit désormais être soumis au Congrès, contrôlé par les Républicains généralement hostiles envers Téhéran. Le chef du groupe au Sénat a déjà prévenu que l'accord serait «très difficile à vendre» aux parlementaires américains. Il leur faudrait toutefois une majorité de deux tiers pour faire capoter le texte. Dans son intervention Barack Obama a mis en garde les parlementaires contre un vote «irresponsable». Avec cette avancée diplomatique l'Iran aura confirmé l'efficience de la résistance face aux pressions de tous bords. Usant de la carte du nucléaire, les Iraniens ont finalement pu briser l'embargo. Une véritable victoire politique et diplomatique sans perdre ses traditionnelles positions de principe. A Téhéran, le guide suprême Ali Khamenei a prévenu qu'un accord n'empêcherait pas de poursuivre la lutte contre les Etats-Unis, «exemple parfait de l'arrogance». M. B./Agences