Au mois de novembre 2003, Béjaïa avait accueilli le VIème séminaire de la conférence permanente des villes historiques de la Méditerranée dont elle fait partie. De nombreux experts européens, maghrébins et proche-orientaux s'étaient alors penchés sur la problématique de l'aménagement urbain des cités anciennes, et la place prépondérante qui doit être accordée à leurs patrimoines historiques respectifs. Sous l'intitulé «Acteurs locaux et patrimoine immatériel : le rôle des villes historiques de la Méditerranée», les congressistes ont été unanimes à souligner l'importance dynamique du patrimoine dans le développement économique, social et culturel de ces villes. Bien au-delà de la nécessité de sauvegarder et de réhabiliter ces héritages civilisationnels, il a été question de la mise en valeur et du concours actif de ces atouts dans l'essor économique et l'émancipation sociale. Tous les intervenants à ce colloque ont, en effet, relevé le rapport existant entre la valorisation du patrimoine et l'amélioration de la qualité de vie des citadins. Ils reconnaissent au patrimoine matériel et immatériel une valeur fondamentale de ressource visant non seulement des objectifs de promotion strictement culturelle, mais également de dynamisation économique et productive. L'accent a été mis notamment sur les savoir-faire locaux des sociétés méditerranéennes qui offrent à ce jour d'énormes potentialités de coopération entre les deux rives. Dans son exposé, El Hadi Tebbane (consultant à Béjaïa) a justement focalisé sur «le savoir-faire local, l'artisanat et le développement dans le cas des villes algériennes» pour montrer que les vocations portées aujourd'hui par de nombreuses cités trouvent une explication dans l'histoire. Se voulant plus explicite, Bouzid Senane, de l'université de Marseille, a retracé «la route des bijoux kabyles» en montrant l'importance de ce patrimoine artisanale dans le développement d'autres branches d'activité à l'échelle locale. Toujours dans le même ordre d'idées, Hamza-Cherif Abdelaziz, de l'APC de Tlemcen, a dépeint l'importance des bureaux d'études locaux dans la restauration des sites historiques de la capitale des Zianides. Une expérience similaire a fait l'objet d'une communication de l'universitaire turque, Ilhan Nivzat (Istanbul), portant sur «L'harmonisation des politiques et programmes d'intervention : expérience de la ville de Kastamonu en Turquie». Toujours dans ce chapitre des savoirs locaux, des universitaires et des responsables locaux des deux rives de la Méditerranée (Espagne, Italie, Grèce, Maroc, Algérie, Palestine, Tunisie) ont brossé des tableaux ressemblant sur une connaissance séculaire partagée dans de nombreux secteurs d'activité. La culture oléicole, l'élevages et l'industrie artisanale du lait, les catalogues de plantes médicinales, l'artisanat, l'urbanisme et le social sont autant d'aspects de ce patrimoine qui offre toujours des opportunités énormes au développement local, mais aussi la coopération entre les différents acteurs du Bassin méditerranéen. A la clôture de ce séminaire de trois jours, tous les participants ont convenu d'agir pour mettre le patrimoine au cœur de la vie économique et sociale de nos villes. Car, estime-t-on, la valorisation des savoir-faire et des métiers locaux est de nature à permettre aux pays méditerranéens d'en tirer grandement profit comme le montrent les réussites parfois éclatantes de certains pays dans la dynamisation et l'intégration de filières. Les bénéfices sont, en effet, considérables : création d'emplois et d'activités, approvisionnement en matières premières des industries (agroalimentaire, menuiserie, maroquinerie, tourisme…), protection et valorisation du territoire, formation, création de richesses et la liste est encore très longue.En somme, aucune ville, si moderne soit-elle, ne peut se passer de son propre patrimoine matériel et immatériel pour s'affermir comme un pôle d'attraction où il fait bon y vivre. Toute étude sérieuse de requalification et de renouvellement de ces cités anciennes se doit de prendre en considération cette question fondamentale de sauvegarde et de valorisation du patrimoine historique. C'est essentiel pour la préservation de leurs identités et de leurs individualités.