La défaite de la CDU hypothèque les chances de la chancelière de briguer un nouveau mandat à l'automne 2017 et sanctionne sa politique d'accueil des migrants Un an avant les élections générales de 2017, Angela Merkel a subi un revers politique majeur. La chancelière a été battue, dimanche dernier, sur ses terres électorales du Meckpom. Le parti d'Angela Merkel, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), est arrivé en troisième position, avec 19% des voix. Devancée par le parti populiste, Alternative für Deutschland (AfD), qui a recueilli 20,8% des voix et les sociaux-démocrates (SPD) qui ont remporté ses élections avec 30,6%. Dans ces élections et même si le SPD a remporté la première place, continuant du coup à gouverner le Land en alliance avec la CDU minoritaire, il a néanmoins perdu du terrain. Le vrai gagnant est l'AfD, la nouvelle extrême droite allemande, qui se présentait pour la première fois dans la région et qui a ratissé d'un coup 20,8% des voix. Une «gifle» pour la femme de fer allemande qui semble avoir été punie par ses électeurs puisque son parti s'est contenté de la troisième place. Dans le parti de la chancelière, on admettait hier se préparer à une analyse «compliquée» des élections régionales. «Cela prend du temps de regagner la confiance perdue», a reconnu le secrétaire général de la CDU, Peter Tauber. «Combien de gifles Merkel peut-elle encore supporter ?», s'interrogeait le quotidien populaire Bild tandis que le reste de la presse allemande a parlé de «massacre à la tronçonneuse» et de «débâcle». Il est vrai que le Mecklembourg est une petite région de l'ex-Allemagne de l'Est, qui ne représente que 2% de la population allemande et 1,3% de sa richesse. Cependant, il s'agit là d'un avertissement sérieux contre la chancelière, qui se prépare à briguer un quatrième mandat. Et Angela Merkel qui a pris connaissance de ces résultats catastrophiques, en Chine, où elle assistait au sommet du G7, a bien compris qu'à travers cette élection hautement symbolique - puisqu'elle se tenait dans sa propre circonscription -, c'est sa politique qui est visée. Le revers subi par la CDU ne fait que confirmer les sondages en baisse pour la chancelière. Cette dernière, au plus bas de sa popularité, a un an pour convaincre. Que reproche-t-on à Angela Merkel ? Pas besoin de grandes analyses pour décrypter le message. Il s'agit bien de sa politique d'immigration. Angela Merkel a ouvert en grand les portes de l'Allemagne à des milliers de refugiés. Durant des mois, des centaines de milliers de réfugiés ont afflué en Allemagne chaque semaine. Plus d'un million l'an dernier. Et les citoyens allemands ont peur. Leur pays pourra-t-il faire face à ce flux ? Leur pays va-t-il arriver à les loger, leur offrir un emploi, à assurer l'éducation de leurs enfants… Sans que cela ne porte atteinte aux logements, aux emplois et aux écoles des nationaux ? Même sur le plan culturel, les Allemands ont peur que leur pays change. Les agressions sexuelles lors de la Saint-Sylvestre à Cologne ont porté l'inquiétude à son paroxysme. Et pour les électeurs allemands, Merkel est la seule responsable de cette situation. Pour eux, la chancelière a pris cette décision «humanitaire» en solo. En ouvrant ses portes aux réfugiés, Angela Merkel savait qu'elle heurterait de front une partie de son électorat. C'est peut-être son côté humanitaire et idéaliste qui l'a poussé à sauver des milliers de réfugiés d'une catastrophe certaine permettant par la même occasion à son pays de redorer son image marqué au fer rouge par les horreurs de son histoire nazie. Aujourd'hui, Merkel qui par sa politique migratoire a offert une aubaine pour l'AfD, doit argumenter, rassurer et calmer ses électeurs. Elle a un an pour les convaincre si elle veut se représenter l'année prochaine aux législatives. A la tête du gouvernement depuis 2005, la chancelière a conduit la CDU de victoires en victoires dans les urnes. Mais alors que la société allemande s'interroge sur sa capacité à intégrer un million de migrants et réfugiés arrivés sur la seule année 2015, sa cote a reculé et une partie de la droite conservatrice se demande aujourd'hui si Merkel est toujours un atout ou au contraire un poids. «On va regarder ce résultat comme le début de la ‘‘Kanzlerdämmerung'' (le crépuscule de la chancelière)», a déclaré Gero Neugebauer, politologue à l'université libre de Berlin interrogé par Reuters. Et d'ajouter : «Si un nombre croissant de membres de la CDU commencent à penser que cette défaite est la faute de Merkel, et si des élus au Parlement se mettent à la considérer comme un danger pour le parti et pour leur propre mandat l'année prochaine, la situation pourrait échapper à tout contrôle. Si l'AfD bat de nouveau la CDU dans deux semaines à Berlin, les choses pourraient rapidement dégénérer». En réalité, la politique d'Angela Merkel a démontré que, comme en Europe, les Allemands ont peur de l'arrivée des musulmans dans leur pays. Raison pour laquelle ils se sont retournés vers l'extrême droite, l'Afd. Ce parti, né en 2013 pour protester contre l'Euro, va faire son entrée dans le neuvième parlement régional allemand. Il milite pour un contrôle de l'immigration et critique l'Islam tout en demandant la démission d'Angela Merkel. Que va faire la chancelière qui certes n'a pas encore déclaré si elle serait candidate à sa propre succession en septembre 2017. Mais la défaite qualifiée d'«amère» par la CDU, risque de susciter un débat sur les conditions d'une nouvelle candidature Merkel. En attendant, tous les partis ont les yeux tournés vers le prochain scrutin : élections régionales de la ville-Etat de Berlin, le 18 septembre. H. Y./Agences