Défaite n Avec seulement 17,6% des suffrages recueillis lors des élections régionales à Berlin, le parti conservateur de la chancelière enregistre le pire résultat de son histoire d'après-guerre dans la ville. Angela Merkel et sa politique d'ouverture aux réfugiés se retrouve plus que jamais dans le collimateur, après un deuxième revers électoral consécutif subi hier, lors d'un scrutin marqué par l'ancrage de la droite populiste dans le paysage politique allemand. Les adversaires du cap suivi par la chancelière en matière d'immigration n'ont pas tardé à donner de la voix, alors que les inquiétudes de l'opinion face à l'arrivée de centaines de milliers de migrants depuis l'été 2015 ne cessent de croître. L'Union chrétienne démocrate d'Angela Merkel (CDU) «est menacée d'une perte énorme et durable de confiance du cœur de son électorat», a prévenu un des responsables de la branche bavaroise (CSU) du mouvement, Markus Söder, qui réclame un durcissement radical sur l'immigration. Avec seulement 17,6% des suffrages recueillis lors des élections régionales à Berlin, le parti conservateur de la chancelière enregistre le pire résultat de son histoire d'après-guerre dans la ville. Il perd du terrain, notamment au profit de la nouvelle force politique montante, le parti anti-migrants Alternative pour l'Allemagne (AfD), qui, en raflant 14,2% est en train de réussir à briser un tabou d'après-guerre : celui d'installer durablement une formation de droite populiste, flirtant dans certains domaines avec les thèses d'extrême droite. La percée de l'AfD dans une grande métropole comme Berlin, réputée branchée et ouverte sur le monde, confirme que le parti né il y a trois ans n'est plus cantonné aux zones déshéritées de l'ex-RDA, où il a ses fiefs, ce qui le place en très bonne position pour entrer dans un an à la Chambre des députés lors des législatives. «Nous sommes désormais un parti établi», s'est félicité un de ses dirigeants. La CDU, elle, a enregistré dans la capitale son cinquième recul de rang lors d'élections de ce type. Le parti ne sera dorénavant plus représenté que dans six des 16 gouvernements des Etats régionaux du pays, dont deux en tant que partenaires minoritaires de la coalition. Pour ne rien arranger, son partenaire au gouvernement fédéral, le parti social démocrate (SPD), ressort, lui aussi, très affaibli à Berlin, avec son plus mauvais résultat de l'après-guerre (21,6%) dans un paysage politique de plus en plus émietté. R. I. Agences Un tournant pour l'Afd ? l Grâce à son succès d'hier, L'AfD, née il y a trois ans, va entrer dans un dixième Parlement régional, sur les seize que compte le pays. Son score enregistré à Berlin est du reste proche de celui dont le crédite au niveau national, un sondage publié ce week-end : 14%. Sauf retournement, l'AfD est bien partie pour faire son entrée dans un an à la Chambre des députés, ce qui serait une première pour un parti de droite populiste dans l'histoire d'après-guerre de l'Allemagne. «Nous sommes désormais un parti établi» et «en bonne voie» pour entrer au Bundestag, a jugé une des responsables du parti à Berlin. Ses succès contribuent à la fragmentation et à la recomposition accélérée du paysage politique en Allemagne, dont sont victimes tant la CDU et le SPD, à la tête d'un gouvernement de coalition au niveau fédéral à Berlin. «Nous y arriverons», un slogan qui sonnait «creux» l «Avec le découragement qui s'installe, la crainte d'une perte du pouvoir en 2017 pourrait prendre de l'ampleur au sein de la CDU» et «accroître la pression sur Mme Merkel pour qu'elle explique davantage sa stratégie politique», juge le politologue Gero Neugebauer, dans le quotidien Handelsblatt. Hier, au lieu de partir pour New York pour assidter à l'ouverture de l'Assemblée générale de l'ONU, elle a choisi de rester à Berlin pour s'expliquer devant la presse en milieu de journée. Déjà, toutes les décisions prises par son gouvernement depuis le début de l'année vont dans un sens restrictif sur l'accès des réfugiés et des migrants. De manière significative, elle vient aussi de prendre ses distances avec on slogan volontariste répété depuis des mois aux Allemands sur l'accueil des centaines de milliers de réfugiés -«nous y arriverons !»-, qui lui est férocement reproché vu les difficultés de la politique d'intégration des réfugiés. Dans une interview au magazine Wirtschaftswoche, elle a reconnu que cette phrase avait été «un peu trop entendue» et «sonnait creux». La chancelière ne paraît néanmoins pas encore menacée, car son parti n'a guère d'alternative. «Merkel utilise l'incertitude de la CDU sur ce qui pourrait se passer au cas où elle partait», estime lundi le quotidien Süddeutsche Zeitung. Elle a aussi pour elle de ne plus devoir affronter d'élection locale importante avant fin mars 2017. «C'est la seule bonne nouvelle pour elle», juge le quotidien Die Welt. Ce n'est plus une exception l Après avoir fait figure d'exception, l'Allemagne est elle aussi gagnée par la vague mondiale qui porte les mouvements populistes nationaux-conservateurs. En Europe, avec la Grande-Bretagne et son Brexit, en Autriche, en France, où le Front national pourrait arriver au deuxième tour de l'élection présidentielle au printemps 2017, en Pologne ou en Hongrie, mais aussi aux Etats-Unis avec Donald Trump. «Dégage» l Mme Merkel, dont le parti a été humilié le 4 septembre par l'AfD lors d'un scrutin en Mecklembourg-Poméranie occidentale (nord-est), a reconnu que la classe politique avait du mal à répondre au défi populiste et à la défiance vis-à-vis des élites politiques. «Nous devons conti-nuer d'essayer encore et encore, car je pense que nous ne pouvons pas abandonner les électeurs protestataires», a souligné la chancelière sur une radio berlinoise. Mais c'est bien elle et sa politique sur les migrants qui est la cible favorite des populistes. En marge d'un meeting de la CDU mercredi, Merkel a essuyé les sifflets et les invectives «Dégage» de sympathisants d'extrême droite. Le maire espère, lui, pouvoir former une coalition avec les Verts, voire la gauche radicale, et rompre ainsi son alliance à la tête de Berlin avec la CDU.