Un regain de tension diplomatique entre Washington et Moscou, tombé comme un cheveu dans la soupe après l'inestimable succès de Poutine dans le conflit syrien, pouvait faire craindre que tous les efforts de paix dans la région soient emportés par l'année 2016. Que non, le président russe est tout sauf un impulsif. Le joueur d'échecs qu'il est calcule d'avance tous les coups sur l'échiquier. Contre toute attente, hier, il annonçait ne pas prendre de mesures de rétorsion à la suite de la décision du président (encore pour 20 jours) Obama d'expulser 35 diplomates russes en poste dans la capitale fédérale. Les représailles américaines sont une riposte décidée par le chef de l'Exécutif des Etats-Unis en réponse à une cyber-attaque de hackers russes, directement supervisée par le président de la fédération de Russie (Obama se dit persuadé) pendant la campagne électorale de la dernière élection présidentielle. Cette intrusion dans les banques de données du parti démocrate avait pour objectif, d'après Obama et le FBI, d'affaiblir la candidate Hillary Clinton et de donner un coup de main à son rival Donald Trump, du Parti républicain. Les dénégations de Poutine n'ont pas fait changer d'avis son homologue sur le départ. Cultivant au plus haut point l'art de désamorcer les crises - et de les provoquer, si nécessaire-, le locataire du Kremlin pousse loin la coquetterie. Non seulement, les 35 diplomates américains proposés à l'expulsion par le ministre des Affaires étrangères Serguei Lavrov ne le seront pas, mais leurs enfants, au même titre que ceux de tous les diplomates accrédités en Russie, sont les invités de Poutine à la fête traditionnelle organisée au Kremlin à l'occasion du Nouvel An et du Noël orthodoxe célébré le 7 janvier. Gêné aux entournures, surtout par les «faucons» de son parti réputés piliers de l'Establishment, Donald Trump se dit pressé de passer à des «choses nouvelles». Il est certain que dès qu'il s'installera à la Maison-Blanche, il fera tout pour que la crise provoquée, en guise de baroud d'honneur, par son prédécesseur ne prenne pas des proportions de nature à altérer ses relations avec le président russe. Sa vision du monde et des relations internationales, on le sait, est différente et ce n'est pas lui qui se laissera engluer dans une quelconque guerre hors du territoire américain. La réaction quelque peu intempestive de Barack Obama relèguerait-elle au second plan le dernier coup de maître à l'actif de Poutine ? Une semaine après la libération d'Alep et la cuisante défaite militaire infligée aux organisations terroristes qui l'occupaient depuis plus de quatre ans, l'homme fort de la Russie fait conclure, sous son égide, un accord de cessez-le feu, globalement respecté hier, entre le régime de Damas et sept groupes de l'opposition armée actifs sur le terrain. Inimaginable, il y a seulement quelques mois, la Turquie et l'Iran sont associés à la conclusion et l'application de l'accord, la première soutenant la rébellion, le second le président Bachar Al-Assad. Apparemment, Obama ne voit pas d'un mauvais œil le cessez-le-feu intervenu ni la voie qu'il ouvre à des négociations politiques pour instaurer la paix en Syrie. Le reste sera aussi «affaire de Trump» à partir du 20 janvier. A. S.