De notre envoyée spéciale à Sidi Bel Abbès Wafia Sifouane Inaugurée jeudi dernier, la 3ème édition du Festival du théâtre professionnel de la région de Sidi Bel Abbès a donné le coup d'envoi vendredi dernier de la compétition. Le public, ravi de retrouver son théâtre sous un meilleur visage, retapé à neuf, s'est fait un plaisir d'effectuer le déplacement pour découvrir les œuvres concourantes. Dès 16h, des familles, des enfants, des jeunes étaient déjà réunis dans la grande salle emplissant d'un agréable brouhaha le théâtre qui reprenait ainsi vie après de longs mois de silence durant lesquels on n'entendait que les bruits du chantier de rénovation. Quelques chuchotements, puis le silence. La salle s'assombrit. L'ambiance change. Une musique angoissante emplit l'air. C'est le fond sonore de la dernière œuvre de la Coopérative du théâtre de Laghouat intitulée El Sawt el asfar. Adaptée du texte de l'Irakien Khadar Dhou El Fikar et mise en scène par Karbous Kilani Haroun, la production théâtrale offre une autre vision moderniste du 4ème art. Une touche de fantaisie, un zeste de folie reflétant un certain penchant pour l'absurde. La pièce relate l'histoire d'un jeune homme et d'un clochard. Le premier est vif et passionné pour la vie, alors que le deuxième, désabusé et pessimiste, est plein de rancœur et de méchanceté envers tout et tous. A leurs côtés, cinq personnes, à l'allure décharnée, crient famine et ne cherchent qu'à satisfaire ce besoin primaire. La scénographie s'est distinguée par son originalité et sa simplicité. Des bouts de papier, de fer et autres détritus éparpillés par terre symbolisent l'étiolement et le chaos. S'agissant de la sémiologie, elle a tenu un rôle majeur dans cette œuvre. «Le groupe des cinq comédiens qui ne font que chercher la nourriture en émettant des sons bizarres symbolise cette catégorie d'humains qui ne servent à rien et qui passent leur temps à courir derrière un bout de pain tout en exaspérant le jeune homme dont le cœur est pétri d'amour pour son pays, en l'occurrence l'Irak», dira le metteur en scène. Concernant l'éclairage, le metteur en scène a opté pour le clair-obscur en utilisant quelques torches dont la lueur vacillante accentuait le sentiment d'oppression. Quant à la musique, elle a beaucoup cédé aux bruitages. Le texte, en arabe classique et lourd de sens, a cependant été quelque peu «banalisé» par l'interprétation des comédiens. A la fin de la représentation, le metteur en scène nous confiera que «le texte évoque le patriotisme comme facteur de toutes les délivrances». «Cette pièce est une œuvre expérimentale, créée dans un laboratoire avec la totalité des comédiens. La nouveauté, c'est que chaque membre a apporté sa propre vision et ambiance, moi, je n'ai fait que les superviser comme étant le chef du laboratoire», ajoutera-t-il. Haroun Kilani reconnaît qu'il aspire bien à remporter le prix, mais précise qu'il cherche aussi à introduire de nouveaux genres théâtraux en Algérie. «Cela n'est qu'un apéritif», conclura-t-il en riant.Pour la soirée, le théâtre abritera une seconde représentation, Likaa Maa ? de la compagnie théâtrale El Âfça (l'Astuce) de Tlemcen. Adaptée de l'œuvre de l'écrivain et dramaturge polonais Slawomir Mrozek, l'Arbre, par Abdelkrim Ghribi et mise en scène par Ali Abdoun, la pièce, déjà donnée sur les planches du TNA et légèrement revue, traite par l'absurde et la loufoquerie de l'ironie de la vie et de la mort en mettant en scène deux personnages qui veulent tous les deux se suicider pour des raisons diamétralement opposées : le premier parce qu'il a tout sauf le bonheur et le deuxième parce qu'il n'a rien. Au final, ils découvrent l'amour chez une belle passante qui, elle, se suicide. Le premier personnage arrive à sa fin et meurt de sa belle mort en réalisant son rêve de toujours, nager, le deuxième également : il se détache de la vie en perdant la raison. Le public applaudit chaleureusement la pièce, charmé par son texte et le jeu des comédiens.