Des confrères et des commentateurs ont évoqué avec sérieux, sur la base d'informations supposées crédibles et/ou de «gorges profondes» censées être à la source, la création d'une formation politique sous la direction de M. Saïd Bouteflika. Comme ce dernier est le frère du président algérien en exercice dans un pays qui a connu des coups d'Etat, un terrorisme des plus barbares, des drames inqualifiables, le changement de la nature républicaine de l'Algérie peut, pense-t-on, s'inscrire à travers le passage du témoin d'un président à son frère. L'inscription du pays à l'intérieur de la nébuleuse arabe où cohabitent des monarchies familiales, des régimes politiques… et autoritaires, des successeurs désignés par la filiation pouvait, dit-on, éventuellement «entraîner» le pays à suivre des exemples, comme il y en a en Afrique aussi, qui sont la risée du monde moderne et qui font le désespoir et la misère de beaucoup de peuples. Cependant, il y a dans les textes fondamentaux du pays, depuis la déclaration du Premier Novembre, dans les Constitutions successives qui ont, certes, des lacunes indiscutables, de quoi évacuer une telle perspective qui serait une «révolution systémique» dans le cheminement, qui n'est pas parfait de l'Algérie. Déjà dans le préambule de la Constitution, il est question du caractère méditerranéen du pays. Et dans le pourtour de cette mer, il n'y a pas que des dynasties ou des fratries au pouvoir. L'article 1 de la loi fondamentale stipule que l'Algérie est une République. L'article 9, quant à lui, précise que les institutions s'interdisent : «Les pratiques féodales, régionalistes et népotiques». Bien entendu, cet article n'est pas scrupuleusement respecté par des femmes et des hommes qui, arrivés à certains étages de l'Etat «s'entourent» comme ils l'entendent, mais de là à imaginer M. Bouteflika donner le mauvais exemple de là où il préside aux destinées du pays, c'est un peu aller trop, trop vite en besogne. La question induite, souvent non dite, est celle du rôle que peut jouer le frère d'un président en poste dans une république. Alors posons-la, bien que l'auteur de ces lignes n'ait jamais approché ni de près ni de loin M. Saïd Bouteflika qui, au fil du temps, manie la discrétion à un niveau remarquable sur l'échiquier officiel. Au plan international, dans le respect de la Constitution et de la morale, les exemples sont nombreux où des membres d'une même famille, en dehors des monarchies institutionnelles, s'associent dans la gestion des affaires publiques au plus niveau. A tout seigneur tout honneur ! Le clan Kennedy, qui n'était pas constitué de despotes non éclairés, a bel et bien servi les intérêts de son pays sans que la majorité des Américains crient au népotisme, au féodalisme. Juste à côté, la fille du président Chirac a dirigé la communication de la 5ème puissance mondiale avec des réseaux et l'efficacité saluée par les professionnels de France. Le fils de M. Sarkozy est déjà élu, certes démocratiquement, et la femme de M. Kouchner dirige une structure fortement représentative de la France et de son action. Et c'est «normal» en France. Accuser le frère du président de la République de «fomenter», avec l'aide sous-entendue du premier magistrat, un complot contre la République qui est loin d'être parfaite et de violer donc les textes les plus emblématiques et fondateurs depuis 1954 pourrait être anecdotique s'il n'y avait pas les grands maux. Ces derniers, qui vont du blanchiment d'argent plus que sale, en passant par la corruption et les appels indignes d'un éventuel renvoi d'ascenseur pour des «soutiens» occultes, peuvent, peut-être, expliquer ces étranges écrans de fumée et des grenouillages qui peuvent déteindre, à leur corps défendant, sur la presse, des partis et une partie de la jeunesse dont les gros problèmes sont occultés par ceux-là mêmes qui collectionnent les milliards. Au vu de ce qui se passe dans les partis dans lesquels le seul consensus est construit sur deux rentes, la nomination et l'argent, dans des fonctionnements antidémocratiques, M. Saïd Bouteflika serait peu inspiré de s'aventurer dans les marécages d'un nouveau parti. Il lui en coûtera une vie personnelle et politique faite de stress, de grosses fatigues pour rien et le temps qui n'a pas de prix à gérer complots et redressements, crises de nerfs et postes perdus, des conclaves stériles de nuit etc. Et la vie dans tout ça ? Le seul parti envisageable de masse aujourd'hui serait celui d'un F.L.T (Front de libération des trottoirs) qui aurait pour programme de rendre ces espaces aux piétons et la chaussée aux automobiles. Des millions d'Algériens sont prêts pour en faire le plus grand parti de masse de la planète. A. B.