De retour au sommet, après 24 ans d'attente, l'Espagne s'attaque en finale de l'Euro 2008 à l'Allemagne, monument du football européen et mondial à la recherche d'un 4e sacre continental, aujourd'hui à Vienne, dans une affiche en or qui oppose deux des équipes les plus attrayantes du tournoi. Quatre ans après le surprenant sacre de la Grèce, l'Europe du football renoue avec un certain classicisme avec cet ultime affrontement entre deux super-puissances. Même si «la Roja» a toujours vécu dans l'ombre des grands clubs du pays et qu'elle se soit souvent montrée incapable de confirmer son énorme potentiel lors des phases finales, la retrouver à ce stade de la compétition est tout sauf une surprise, tant elle recèle des individualités brillantes et reste fidèle à sa philosophie : tout pour l'attaque et l'offensive. Pour l'Allemagne, le poids de l'histoire semble l'emporter sur toute autre considération. Sans grande vedette, hormis le meneur de jeu de Chelsea, Michael Ballack, malgré une défense battue à six reprises et un gardien, Jens Lehmann, loin de donner des gages de sécurité, elle a réussi à puiser dans ses valeurs éternelles pour se hisser en finale : un mental de fer, un jeu d'une redoutable efficacité, à défaut d'être spectaculaire, et un instinct de compétiteur. Sortie, non sans peine (défaite face à la Croatie, victoires étriquées contre la Pologne et l'Autriche), d'un groupe pourtant taillé à sa mesure, la Nationalmannschaft s'est soudainement réveillée lors des rencontres couperets. Elle a d'abord écarté de sa route l'un des grands favoris de l'Euro, le Portugal de Cristiano Ronaldo (3-2), avant de venir à bout de la folle résistance des miraculés turcs (3-2), avec un but à la dernière minute de Lahm. Mais les Allemands restent indéboulonnables et il faudra beaucoup de vaillance aux Espagnols pour dominer des joueurs qui portent en eux les gènes de la victoire. Car, là aussi, le passé jouera sans doute un rôle non négligeable. L'Espagne n'a participé jusque-là qu'à deux finales au cours de son histoire (victoire à l'Euro 1964 contre l'URSS, défaite face à la France lors de l'Euro 1984). L'Allemagne pèse, elle, sept finales de Coupe du monde (3 succès) et cinq de Championnat d'Europe (trois victoires en 1972, 1980 et 1996, finalistes en 1976 et 1992) avant le rendez-vous de Vienne. Autant dire qu'un gouffre sépare les deux équipes. Le forfait définitif de David Villa relativise quelque peu le danger représenté par les attaquants espagnols, son compère Fernando Torres étant très discret. A Daniel Güiza donc, si Aragones décide de le titulariser à la place de Villa, d'afficher ses propres qualités de buteur, étalées lors de la dernière Liga (27 buts) et entrevues à l'Euro. Mais la Seleccion mise avant tout sur le savant travail de reconstruction entamé dès 2004 par Luis Aragones et qui semble, enfin, porter ses fruits. Le technicien ibérique va quitter l'équipe nationale à l'issue de l'Euro pour s'engager avec le club turc de Fenerbahçe. Mais son legs restera précieux, puisqu'il est parvenu en quatre ans à donner une identité de jeu à l'équipe nationale, subtil dosage de jeunesse (Villa, Torres, Silva, Ramos, Fabregas, Iniesta) et d'expérience (Casillas, Puyol, Marchena, Xavi, Senna). Reste un dernier détail à régler et non des moindres : l'Allemagne.